L’ionisation des aliments est aujourd’hui complètement passée dans les moeurs. En Europe on s’en méfie un peu mais la plupart des grands pays producteurs de denrées alimentaires ne voient pas d’autre moyen que l’irradiation des aliments pour commercer sans risque sanitaire, avec les autres pays du monde. Sauf que le risque sanitaire existe bel et bien et quelques expériences inquiétantes indiquent qu’il faudrait être un peu plus crupuleux. En France ou en Europe, les autorités ont été alertées sur ce sujet, mais comme on ne voit pas d’autre solution, le débat ne progresse pas. Pendant ce temps, nous avalons des fruits et légumes sans vitamines et des nouvelles molécules qui se créent ici ou là et dont nous ne savons pas grand-chose.
Depuis un bon nombre d’années, on pratique la méthode de l’ionisation afin de détruire les micro-organismes et insectes dans les fruits et légumes, entre autres. Cette technique consiste à passer les fruits et légumes aux rayons gamma d’une source radioactive, (cobalt 60 ou césium 137, ou rayons X ou faisceaux d’électrons à très haute énergie). Ce procédé a par ailleurs pour effet de ralentir le mûrissement, inhiber la germination et, mieux, donner aux aliments une apparence de fraîcheur éternelle… Une aubaine pour les transports longues distances et le stockage de longue durée.
Par contre, l’irradiation « explose » pratiquement toutes les vitamines (A, B1, B6, B12, C, E, K, PP et acide folique….) et elle altère le goût en raison des transformations chimiques par radiolyse, jusqu’à quelquefois un léger goût de rance caractéristique.
Avez-vous déjà acheté des abricots secs ?
Ne vous êtes-vous jamais demandé pourquoi ces derniers sont toujours aussi orange alors qu’ils sont supposés être… secs ? C’est l’irradiation ou bien un traitement au soufre qui a permis à l’abricot de conserver sa couleur orangée, là où un abricot sec bio a viré carrément au brun… tout en restant délicieux.
L’ionisation serait inoffensive. Un vieux doute !
Le cas des aliments pour chats australiens pose question : l’irradiation des aliments pour animaux y a longtemps été obligatoire ; pourtant, en 2008, la firme Orijen a dû retirer du marché ses aliments destinés aux chats, en raison des troubles neurologiques graves relevés sur de nombreux chats nourris avec ces aliments copieusement irradiés. Une trentaine en sont morts. Du coup, l’obligation d’irradiation a été ensuite levée.
Quels risques pour l’homme ?
Même si l’irradiation des aliments ne les rend pas radioactifs, de nombreux scientifiques s’interrogent sur de possibles risques de cancérogénèse et de mutagénèse. En effet l’ionisation des aliments peut faire apparaître dans ceux-ci des composés appelés cyclobutanones, qu’on ne trouve jamais dans les aliments non ionisés. De très nombreuses études scientifiques ont montré que chez l’homme ces composés créent des dommages aux cellules et aux gènes.
Enfin, après exposition aux rayons gamma on obtient d’autres composés dits de radiolyse tels que des radicaux libres, du benzène ou du toluène : ces composés sont connus pour favoriser l’apparition de cancers, et de maladies cardio-vasculaires… Les radicaux libres, quant à eux, sont très réactifs et cherchent naturellement à se recombiner. Soit ils se recombinent de manière à reconstituer la molécule originelle, soit de manière aléatoire, formant ainsi des produits néoformés (cancérogènes).
Entre trop et pas assez, la marge est étroite
Si nous prenons l’exemple du botulus, tant redouté dans l’ancienne marine marchande car mortel, une irradiation insuffisante tuerait les micro-organismes précurseurs qui annoncent la dangerosité de l’aliment par des odeurs suspectes, mais n’atteindrait pas le botulus lui-même. Ceci rendrait le dosage insuffisant encore plus dangereux que l’absence de traitement. Mais comme nous l’avons vu, une irradiation trop importante pour une sécurité totale, en plus de rendre les aliments complètement morts et vidés de leurs éléments vitaux, les rend répulsifs à la consommation. Inutile de dire que le réglage optimum s’avère donc assez « pifométrique » pour chaque cas.
L’irradiation chez nous et chez les autres
Une soixantaine de pays autorisent l’ionisation, et plus de trente pays la pratiquent. On assiste à une véritable explosion du nombre des installations d’irradiation dans les pays à fort développement (Chine, Inde, Mexique, etc.), tandis que les Etats-Unis signent des accords bilatéraux spécifiques pour l’échange de produits irradiés.
Au niveau européen, environ 20 000 tonnes ont été irradiées en 2002, qui sont passées à environ 40 000 tonnes en 2003 – deux fois plus. Depuis on ne sait pas… On sait seulement que l’Allemagne irradie 10 fois moins que la France. Quant aux contrôles, en prenant l’exemple de l’année 2007, il y avait eu en Allemagne 3 744 échantillons testés qui avaient révélé 1,47% de fraude, pendant qu’en France où le laxisme en matière de contrôle semble être la règle, il y avait eu seulement 117 échantillons prélevés révélant 5,13% de fraude – les gouvernements français successifs préfèrent mobiliser le contrôle des fraudes sur le bio….
Dans l’Union européenne, deux directives déterminent la liste des produits pour lesquels l’irradiation est autorisée : herbes aromatiques séchées, épices et condiments végétaux. Il y a par ailleurs obligation d’étiquetage : un logo existe pour informer le consommateur, mais qui le connaît ? Le logo du nucléaire semblerait plus approprié et plus clair pour tous, non ?.
Les aliments qui ont subi cette irradiation doivent aussi présenter la mention « Traité par ionisation » ou « Traité par rayonnement ionisant » sur leur étiquetage. Mais ce n’est pas le cas d’autres pays qui exportent leurs produits ionisés dans la plus grande opacité pour le consommateur.
Que dit la loi en France ?
Il y a environ 3 000 tonnes d’aliments irradiés chaque année en France. Le dernier rapport de l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa) sur l’irradiation des aliments, en 2007, prétend que cette technologie nucléaire est sans danger.S’ajoutent bien sûr les aliments irradiés importés des 34 états non membres de l’UE qui pratiquent l’irradiation. Parmi ceux qui ont autorisé l’irradiation d’un nombre élevé de produits, on peut citer l’Afrique du Sud, le Brésil, la Turquie, les USA, le Ghana, la Fédération de Russie, l’Inde, le Mexique et la Croatie.
Huit états membres de l‘Union européenne autorisent l’irradiation d’aliments autres que les trois catégories spécifiées par l’Europe : la France, la Belgique, les Pays-Bas, la Pologne, le Royaume-Uni, la Tchéquie, la Hongrie et l’Italie. Ainsi la France autorise l’irradiation de nombreux produits supplémentaires : oignon, ail, échalote, légumes et fruits secs, flocons et germes de céréales pour produits laitiers, farine de riz, gomme arabique, volaille, cuisses de grenouilles congelées, sang séché et plasma, crevettes, ovalbumine, caséine et caséinates (additifs alimentaires).
Roland Desbordes (président de la CRIIRAD) rapporte :
« Dernièrement, nous avons pu repérer la mention « Pasteurisation à froid » sur certains jus de fruits vendus à la terrasse des cafés. Cette appellation (autorisée aux Etats-Unis) désigne le traitement par « rayonnements ionisants » mais elle est illégale en France… Il s’agit visiblement d’une traduction littérale de l’étiquette par des intermédiaires peu au courant de la législation. Nous avons alerté la DGCCRF (la répression des fraudes) à ce sujet, lors d’un entretien que nous avons eu avec eux début janvier. Cela n’avait même pas attiré leur attention et ils ont été totalement désarmés par notre interrogation ! »
Selon le Collectif contre l’irradiation des aliments, le problème, c’est que « de façon générale, les contrôles au stade de la commercialisation sont incohérents, disparates, variant d’une année à l’autre et d’un pays à l’autre, et sans règles communes, ce qui rend une réelle évaluation quasiment impossible ».
La libre circulation des marchandises au sein de l’espace Shengen facilite évidemment les dérives.
Conclusion: même si l’étiquetage est obligatoire, le consommateur a peu de moyens de savoir si un aliment a été irradié.
Quelles actions sont menées ?
- En 2005, le Mouvement pour le Droit et le Respect des Générations Futures (MDRGF) a manifesté devant des usines d’ionisation des aliments avant de donner une conférence sur ce problème.
- La même année, la Commission de recherche et d’information indépendantes sur la radioactivité (CRIIRAD ) a lancé une campagne « Pas de radioactivité dans nos assiettes » assortie d’une pétition. Ils se sont fait entendre au niveau européen, retardant ainsi l’adoption de la nouvelle réglementation autorisant le commerce international des aliments dits « contaminés par des radionucléides artificiels ». Hélas, en 2006, toute la procédure fut accélérée et est parvenue à son terme l’année suivante.
- En 2007, le Collectif français contre l’irradiation des aliments interpella quatre commissaires européens et quatre ministres français, en s’appuyant sur sa lecture critique du rapport de l’Afssa et sur des questions à la DGCCRF. Seul Michel Barnier, le ministre de l’Agriculture de l’époque, a répondu. Il n’a cependant apporté aucune réponse concrète.
- En 2010, plus de 35 associations écologistes ont fait parvenir une lettre ouverte aux parlementaires européens, leur demandant de « réellement évaluer l’ensemble des risques liés à l’irradiation des aliments ».
- En 2014…..toujours rien à l’horizon ! On prêche dans le désert…
Pour info voici une liste non exhaustive des mouvements, collectifs, et associations qui luttent contre l’ionisation :
Action Consommation – Adéquations – Agir Pour l’Environnement – Les Amis de la Terre – Association Léo Lagrange pour la Défense des Consommateurs – Association pour l’Information sur la Dénaturation des Aliments et de la Santé (AIDAS) – ATTAC – Biocoop – Collectifs Bure-Stop – Confédération Paysanne – CRiiRAD – Ecoforum – Ekwo – Fédération Nature et Progrès – Food and Water Watch Europe – Mouvement pour les Droits et le Respect des Générations Futures (MDRGF) – RECit (Réseau des écoles de citoyens) – Réseau “Sortir du nucléaire”.
Michel Dogna