Une enquête approfondie de l’organisation BLOOM a mis au jour un scandale sanitaire de grande envergure : la contamination au mercure de boîtes de thon en conserve vendues dans toute l’Europe. BLOOM a analysé près de 150 boîtes de thon provenant de cinq pays européens, révélant que chacune contenait des traces de mercure, une substance neurotoxique classée parmi les plus dangereuses par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS). Cette découverte met en lumière l’influence du lobby thonier, qui, avec la complicité des autorités publiques, aurait imposé des normes de contamination permettant la vente de thon à risque pour la santé des consommateurs.
Le mercure, un poison omniprésent et dangereux
Le mercure est un élément chimique extrêmement toxique pour l’organisme humain, en particulier sous sa forme méthylée, le méthylmercure, qui s’accumule dans les chaînes alimentaires marines. L’émission de mercure dans l’environnement a fortement augmenté au cours des deux derniers siècles, avec pour conséquence sa présence accrue dans les océans. En tant que grand prédateur marin, le thon concentre ces métaux lourds par accumulation dans son corps, atteignant des niveaux bien plus élevés que chez les espèces plus petites. La consommation de thon représente donc une source d’exposition importante au mercure pour les Européens, qui consomment en moyenne 4,9 kg de thon par personne chaque année en France.
Le méthylmercure est particulièrement nocif, même à faible dose, pour le développement neurologique des fœtus et des jeunes enfants. En accumulant ce contaminant au fil des ans, les risques pour la santé humaine deviennent préoccupants, rendant la consommation régulière de thon potentiellement dangereuse.
Des résultats alarmants : toutes les boîtes de thon contaminées au mercure
BLOOM a fait analyser 148 boîtes de thon en conserve achetées aléatoirement en Allemagne, en Angleterre, en Espagne, en France et en Italie, révélant que 100% d’entre elles contenaient du mercure. Parmi ces boîtes, 57% dépassaient la limite de 0,3 mg/kg, une norme appliquée à d’autres poissons comme le cabillaud. L’analyse a mis en évidence des cas extrêmes : une boîte de la marque Petit Navire contenait 3,9 mg/kg de mercure, soit 13 fois la norme stricte pour d’autres poissons. Face à ces résultats, BLOOM estime que toutes les boîtes dont la teneur dépasse 0,3 mg/kg devraient être retirées du marché. Néanmoins, ces produits restent accessibles, exposant les consommateurs à un risque continu.
Des normes sanitaires inadaptées pour protéger les intérêts de l’industrie thonière
L’enquête de BLOOM révèle une réalité troublante : les seuils de mercure autorisés pour le thon sont trois fois plus élevés que pour des espèces moins contaminées, sans justification sanitaire. Fixés à 1 mg/kg, ces niveaux ne reflètent pas un souci de sécurité mais une volonté de permettre la vente de la majorité des produits thoniers. Selon BLOOM, les instances européennes et internationales se sont ainsi alignées sur les contaminations les plus élevées observées dans le thon, garantissant la commercialisation de 95% de la production. En agissant de la sorte, les autorités permettraient de vendre des produits contaminés en toute légalité.
Le mercure est un neurotoxique puissant qui se fixe dans le cerveau et s’élimine difficilement. BLOOM souligne que cette gestion des normes va à l’encontre de la santé publique, laissant croire que la consommation de thon est sûre alors que les risques sont réels.
L’influence déterminante du lobby thonier dans l’établissement des normes
L’influence de l’industrie du thon sur les normes sanitaires apparaît à chaque étape du processus réglementaire, notamment via le Codex Alimentarius, créé par la FAO et l’OMS pour définir les standards alimentaires internationaux. Le Comité du Codex chargé des additifs alimentaires et des contaminants est présidé par les Pays-Bas, pays à la pointe de la pêche industrielle, et inclut des représentants de l’industrie thonière dans ses délégations nationales. Ce niveau d’influence est préoccupant pour BLOOM, qui dénonce la sous-représentation des ONG dans les discussions et les conflits d’intérêts au sein du comité FAO-OMS, où certains membres ont des liens avec le secteur du thon.
Ces interactions constantes entre l’industrie et les instances réglementaires contribuent à façonner des normes plus permissives, qui ignorent les risques sanitaires et privilégient les intérêts économiques des producteurs de thon.
Le SCoPAFF, un comité opaque au cœur du scandale
Un des acteurs clés de cette affaire est le SCoPAFF (Standing Committee on Plants, Animals, Food and Feed), un comité européen qui établit les seuils de contamination admissibles dans les aliments. Composé de représentants des États membres de l’Union européenne, le SCoPAFF fonctionne de manière opaque, refusant de révéler l’identité de ses membres, les détails de ses délibérations, ou les résultats des votes. BLOOM critique ce manque de transparence, soulignant que le Parlement européen est lui-même tenu à l’écart des décisions, malgré ses tentatives pour obtenir plus de contrôle sur les normes sanitaires.
Ce manque de transparence empêche le public et les ONG de vérifier les critères réels qui sous-tendent la fixation des seuils de mercure, perpétuant ainsi une réglementation floue et possiblement dangereuse.
Des contrôles insuffisants et inefficaces
La surveillance de la contamination du thon en Europe est rare et insuffisante. Aux Seychelles, un centre majeur de la pêche thonière pour le marché européen, seuls une dizaine de tests sont réalisés chaque année pour vérifier la conformité de millions de kilos de thon exportés. En France, les contrôles sur les boîtes de thon en conserve ont cessé depuis 2023, et seulement une cinquantaine de thons frais sont testés annuellement. Cette situation alimente une illusion de sécurité, alors que les consommateurs sont exposés à des niveaux de mercure parfois très élevés.
Les rares contrôles existants se basent sur des normes fixées pour assurer que peu de tests soient non conformes, un cadre qui offre une couverture rassurante sans réelle sécurité. En conséquence, la majorité des produits contaminés passent inaperçus, renforçant une impression de sûreté trompeuse.
Une mobilisation pour des mesures sanitaires plus strictes
Face à ce scandale, BLOOM et foodwatch, une ONG spécialisée dans la protection des consommateurs, appellent les autorités à adopter des mesures rigoureuses. Ensemble, elles ont lancé une campagne pour sensibiliser le public et exiger une réglementation renforcée du mercure dans le thon. Parmi les principales demandes figurent :
- Un alignement sur la norme de 0,3 mg/kg : La Commission européenne doit établir pour le thon un seuil de mercure comparable à celui appliqué aux autres poissons.
- L’application d’une clause de sauvegarde par les États membres : Les États européens doivent interdire la commercialisation des produits thoniers dépassant la limite de 0,3 mg/kg.
- L’exclusion du thon des lieux de restauration pour les populations sensibles : Les produits contenant du thon devraient être bannis des établissements accueillant des publics vulnérables, tels que les écoles, les hôpitaux et les maisons de retraite.
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En parallèle, BLOOM et foodwatch ont également initié une pétition adressée aux principales enseignes européennes, dont Carrefour, Lidl, et Edeka, leur demandant d’agir immédiatement pour protéger leurs clients.
Source : bloomassociation.org