Depuis plusieurs années, les cantines de 12 collèges de Dordogne ont entrepris une révolution dans leur approche de la restauration scolaire. En abandonnant les plats industriels au profit de repas 100 % bio, composés majoritairement de produits locaux, ces établissements ont opéré une transformation profonde, à la fois en cuisine et dans leur manière de collaborer avec les producteurs locaux.
Une cuisine « faite maison » avec des produits bio et locaux
Dans des collèges comme Michel de Montaigne à Périgueux, chaque repas servi aux élèves est désormais préparé à partir de produits bruts. Le chef cuisinier Gilles Vadin, aux commandes dès l’aube, ne manque pas de rappeler la différence entre l’approche industrielle et ce nouveau modèle. Le menu typique y comprend des carottes râpées aux agrumes, du jambon de porc cuit lentement, des pommes de terre et patates douces rôties, ainsi que des desserts comme du yaourt à la vanille fabriqué localement. Des plats végétariens, tels que des galettes, viennent également enrichir les options proposées aux élèves.
La transformation de cette cantine, intervenue à la fin de 2022, a exigé un apprentissage nouveau pour les équipes. « Finis les ouvre-boîtes », explique Vadin, décrivant le travail de désossage des carcasses et l’utilisation complète des ingrédients pour limiter le gaspillage. Ce changement a revitalisé le métier, donnant aux cuisiniers l’occasion de préparer des repas à partir d’ingrédients bruts, tout en respectant une éthique de durabilité.
Une relation directe entre producteurs et collèges
Les producteurs locaux, comme Jules Charmoy, éleveur de veaux, bœufs et porcs, jouent un rôle central dans cette initiative. Livrant directement des carcasses entières aux établissements scolaires, Charmoy met en avant l’avantage de cette collaboration directe qui renforce le lien entre le monde rural et urbain. Il souligne également l’importance de cette relation qui permet de fixer des prix équitables, sans intermédiaires.
Kevin Berthelot, maraîcher, partage cet avis. En travaillant directement avec les cantines, il affirme ne plus ressentir de pression liée aux prix, les négociations se faisant de manière juste, sans rapport de force. Cette dynamique est un pilier du modèle promu par le département, où la priorité est donnée à la rémunération équitable des agriculteurs tout en réduisant les intermédiaires.
Un choix politique pour préserver l’agriculture locale
Le passage au bio et à la consommation locale dans ces collèges n’est pas simplement une réponse à des critères légaux ou environnementaux. Il s’agit d’une décision politique, portée par Germinal Peiro, président du Conseil départemental de Dordogne. L’objectif dépasse largement le seuil légal de 20 % de bio en restauration collective. Peiro voit dans cette démarche un moyen de garantir un revenu décent aux producteurs, dans un contexte où beaucoup d’entre eux peinent à rester compétitifs face à un marché globalisé.
Pour Peiro, les petits producteurs sont souvent exclus des grandes chaînes de distribution mondiales, et la solution réside dans la « relocalisation » de leurs activités. Ce modèle permet non seulement de préserver les exploitations locales mais aussi de renforcer leur rôle au sein de l’économie locale.
Un impact économique et social significatif
Avant le lancement de ce projet en 2019, seulement 20 % des produits dans les cantines provenaient de sources locales. Aujourd’hui, ce chiffre varie entre 70 et 85 % dans les collèges qui participent à l’initiative, même si certains ingrédients comme le chocolat ou les épices doivent encore être importés. Ce changement a eu un impact économique majeur, injectant des dizaines de milliers d’euros supplémentaires dans l’économie locale.
Pour répondre à ces besoins, les collèges sont approvisionnés par des producteurs situés dans un rayon de 20 km. En cas de manque, la plateforme « Manger bio », regroupant une cinquantaine de producteurs en Dordogne, permet de compléter les livraisons. Le département, qui compte plus de 1400 exploitations bio, est devenu un modèle en matière de production agricole durable.
Une généralisation progressive dans les collèges
L’ambition du département est de généraliser cette initiative à l’ensemble des 35 collèges d’ici 2028. Un investissement de 100 000 euros par établissement est prévu, ainsi que l’embauche de formateurs pour accompagner les équipes en cuisine dans cette transition vers une alimentation 100 % bio et locale.
Pour les élèves, cette initiative est également l’occasion de découvrir une alimentation différente. Si certains jeunes, comme le remarque le chef Vadin, peuvent être réticents face aux légumes, ils sont progressivement amenés à apprécier ces nouvelles saveurs. Louise, une élève du collège Michel de Montaigne, reconnaît avec un sourire malicieux que certains jours les plats ne sont pas à son goût, mais finit par admettre qu’ils ont « de la chance » de bénéficier de cette cuisine de qualité.
Source: www.goodplanet.info