Dans le Tarn, non loin de Gaillac, une zone riche en biodiversité risque d’être inondée par un projet de barrage. Les opposants dénoncent un investissement public au service d’une poignée de producteurs de maïs, une culture très gourmande en eau. Alors que les recours juridiques sont toujours en cours d’examen, le déboisement a commencé le 1er septembre en présence d’environ 200 CRS et gendarmes. Dans cette tribune, des représentants d’associations et de syndicats dénoncent les comportements violents des forces de l’ordre. Et demandent à la ministre de l’Ecologie Ségolène Royal de surseoir immédiatement aux opérations de déboisement.
Depuis 2011, le Collectif pour la sauvegarde de la zone humide du Testet agit pour la protection de cette zone menacée de destruction par le projet de barrage de Sivens sur la rivière Tescou, dans le département du Tarn. Le projet sacrifierait la dernière zone humide importante du bassin du Tescou, qui abrite au moins 94 espèces animales protégées et 353 espèces de plantes vasculaires.
Bétonnage et goudronnage ne sont pas les seules raisons de l’artificialisation des terres agricoles qui fait disparaître l’équivalent d’un département tous les dix. Paradoxalement, les besoins démesurés d’irrigation pour des cultures comme le maïs et la nécessité de diminuer le taux de pollution de l’eau en été du fait de l’utilisation intensive des pesticides y participent également.
C’est exactement la finalité agricole du projet de barrage de Sivens. Elle est symptomatique des dérives d’une agriculture qui vise à adapter le milieu sans changer ses pratiques. La logique s’applique au détriment de la biodiversité et de la collectivité qui en assume les coûts. L’investissement public au service de ce modèle agricole et d’une poignée de bénéficiaires est incompréhensible.
La manière dont les autorités locales, préfecture et Conseil général, gèrent ce projet rappelle les méthodes utilisées dans d’autres projets inutiles comme celui de l’aéroport de Notre Dame des landes : aucune concertation avec les associations de protection de l’environnent et des milieux aquatiques ; avis défavorables cachés durant l’enquête publique ; refus du Conseil général et de la préfecture du Tarn de débattre publiquement ; refus du conseil général de suivre l’avis de la Commission d’enquêtes publiques, de la Fédération de pêche et des milieux aquatiques, des services de l’État chargés de l’eau (ONEMA) ; refus du Conseil général de suivre les avis des scientifiques du Conseil scientifique régional du patrimoine naturel (CSRPN) et des experts nationaux du Conseil national de protection de la nature (CNPN) nommés par l’État qui considèrent tous les deux les mesures compensatoires insuffisantes.
Le système de compensation ne sert qu’à faire passer des projets. Aucune compensation ne remplacera la biodiversité détruite et ce sont des terres agricoles qui disparaissent au final !
Plusieurs recours juridiques, déposés par le Collectif et ses partenaires, sont en cours d’examen :
Un recours au fond contre l’arrêté dit « Loi sur l’eau » du 3 octobre 2013
Un recours au fond contre la déclaration d’utilité publique (DUP) du 2 octobre 2013
Un recours au fond et en référé suspension contre l’arrêté de dérogation à l’interdiction de destruction d’espèces protégées du 16 octobre 2013.
Le tribunal administratif devrait examiner les recours le 26 septembre.
Pourtant, rien n’y fait, le président du conseil général du Tarn refuse tout dialogue prétextant que toutes les démarches d’investigations ont été régulières et ont montré la validité du projet. C’est faux.
Devant l’imminence des travaux et face à l’intransigeance des autorités locales, trois opposants ont décidé d’entamer une grève de la faim le 27 août. Ils sont aujourd’hui cinq et débutent leur troisième semaine de grève de la faim.
Lundi 1er septembre 2014, le Conseil général du Tarn a décidé de passer en force avec le soutien du Préfet. Le déboisement de bois en limite de la zone humide a commencé sous la protection d’environ 200 CRS et gendarmes. Leur comportement est inqualifiable, violent avec des tirs tendus de lacrymos, de flashball sans sommation, portant des propos orduriers et sexistes, avec des arrestations sans fondements.
Jusqu’à présent, le Conseil général avec l’appui de la préfecture refuse de prendre en compte les actions juridiques en cours et affirme même devant la presse que tous les recours des opposant-es avaient été épuisés. C’est faire peu de cas de la situation des personnes en grève de la faim !
Le 28 février 2014, Jean-Marc Ayrault, alors Premier ministre, avait déclaré aux médias « que les recours déposés contre le projet de transfert d’aéroport de Nantes vers Notre-Dame-des-Landes devaient être examinés par la justice avant que les travaux ne puissent commencer » arguant du fait que « nous sommes dans un État de droit ». A la suite de sa nomination en tant que Ministre de l’Écologie, Madame Ségolène Royal a confirmé l’engagement du précédent gouvernement.
Le collectif et ses partenaires demandent que cet engagement soit également respecté sur la zone humide du Testet. Ils demandent donc :
un moratoire sur les travaux jusqu’à l’examen de tous les recours en justice
le retrait des forces de l’ordre
l’organisation d’un véritable débat démocratique impliquant la communication de tous les éléments du dossier, dont les avis des scientifiques.
Face au refus réitéré du Conseil général et de la préfecture d’entendre les demandes légitimes des opposant-es et compte tenu de l’urgence de la situation locale, les signataires de cette tribune demandent depuis le 5 septembre une rencontre au plus vite avec la ministre de l’écologie afin d’examiner rapidement les solutions qui permettront de résoudre la crise actuelle en commençant par sursoir aux opérations de déboisement qui ont débuté le 1er septembre.
Didier Aubé (Union syndicale Solidaires), Geneviève Azam (ATTAC France), Amélie Canonne (AITEC), Laurent Pinatel (Confédération Paysanne), Thierry Uso (CRAUE)