Installé à La Châtaigneraie, pas si loin de la très industrielle filière porcine bretonne, Bioporc produit des spécialités charcutières et de la viande de porc exclusivement issues de la filière bio. Sous la houlette de Jérôme Lebrun, un homme convaincu par la cause environnementale.
Puis-je vous inviter chez un producteur de porc ? » demande Je?ro?me Lebrun, le dirigeant. Sans refus, nous filons vers l’exploitation d’un de ses amis e?leveurs. Au fin fond du bocage vende?en, la surprise est de taille.Pas d’odeur d’ammoniac ni de pesticides, encore moins d’OGM… Ici,les porcs s’e?battent gaiement dans la nature, ils ont droit a? la lumie?re du jour, a? la paille pour leurs besoins et aux petits soins de l’agriculteur. « Les truies vivent dans des fermettes ouvertes sur les prairies et les porcs a? l’engraissement dans des stabulations a? ciel ouvert.» Contrairement aux exploitations intensives, le bien-e?tre animal est garanti par un cahier des charges bio et le savoir-faire de l’e?leveur. « Ils sont nourris de ce?re?ales a? 95 %, dont principalement des prote?agineux.»
Une filie?re de proximite?
Abattus vers l’a?ge de 6 mois (4 mois dans les productions industrielles), les porcs fermiers sont engraisse?s jusqu’a? 110 ou 120 kilos. « Son gou?t sera largement meilleur et beaucoup plus mature »,
assure le transformateur. Installe? a? La Cha?taigneraie, Je?ro?me Lebrun travaille de?sormais avec une vingtaine d’e?leveurs tous certifie?s bio et e?parpille?s au sud de la Loire, en Vende?e, dans les Deux-Se?vres, la Vienne, le Maine- et-Loire et la Loire-Atlantique. « Notre choix est de?libe?re?. Nous tra- vaillons avec des agriculteurs locaux pour limiter les cou?ts de transport et l’e?mission de CO2.»
Depuis quelques anne?es, les porcs fermiers sont abattus a? Celles-sur-Belle (Deux-Se?vres) et a? Beaupre?au (Maine-et-Loire). «A? l’abattoir, nos be?tes passent tou- jours les premie?res, to?t le matin.» La raison est toute simple. « Il faut e?viter les croisements avec les autres animaux provenant des filie?res plus traditionnelles et industrielles. Chacune de nos be?tes sera identifie?e gra?ce a? un nume?ro d’abattage.»
Qui joue la qualite?
Chaque semaine, 250 porcs sont transforme?s de la te?te a? la queue dans l’usine de La Cha?taigneraie, inaugure?e en 2011. « Le but est de revaloriser 100 % de la carcasse en bio. Nous de?veloppons ainsi 80 recettes dans quatre marche?s diffe?rents : viandes crues, charcuterie cuite (boudins, lardons), charcuterie se?che (saucissons) et plats e?labore?s.» Pour chaque gamme, les conditions de livraison aux consommateurs sont ne?cessairement plus strictes : 8 jours pour la boucherie, 20 pour la charcuterie et jusqu’a? 3 ans pour les conserves.
Pre?sent le mois dernier avec l’ensemble de ses gammes au salon Biofach, a? Nuremberg, Bioporc commercialise ses pro- duits dans les magasins spe?cialise?s (Biocoop, Rayon vert, La Vie claire, Biomonde et d’autres). « Nos aliments sont fabrique?s dans le respect des re?gles alimentaires de se?curite? et de qualite? », assure le chef d’entreprise. Dans son usine de 2500m2,rien n’est laisse? au hasard.«Plus qu’ailleurs,nous sommes tenus de respecter un cahier des charges rigoureux. Notre processus de transformation ne doit supporter aucun de?faut. C’est le prix a? payer pour commercialiser des produits sains et bio.»
Respectueux de l’hygie?ne, sans pitie? pour les microbes, Bioporc est a? ce jour la seule entre- prise franc?aise de charcuterie 100 % bio certifie?e par International FoodService(IFS).«C’est la reconnaissance de notre travail et de l’engagement qualite? de l’ensemble de nos collaborateurs. Tous mes salarie?s sont en effet charcutiers de me?tier. Ils sont tre?s respectueux de la matie?re premie?re,de sa saveur et de sa transformation.»
Avec 12,9 millions d’euros de chiffre d’affaires, l’entreprise emploie aujourd’hui 70 salarie?s. « Nous sommes dans une vraie niche commerciale. Seulement 1 % de la charcuterie franc?aise est consomme?e en bio.» Mais le succe?s n’est pas le fruit du seul hasard:«C’est le re?sultat de la mai?trise de notre filie?re Porc bio Atlantique.» Derrie?re Bioporc, les e?leveurs s’engagent de manie?re raisonnable et durable, pour cinq ans. «A? chaque fois que nous installons un agriculteur, l’ensemble des acteurs de la branche professionnelle valide notre choix et soutient la de?marche.»
Et la solidarite?
En Vende?e, le groupement de producteurs CAVAC est aux co?te?s des e?leveurs. Il forme les agriculteurs dans l’organisation de leurs ba?timents, sur le choix des aliments, sur les financements particuliers… Mais plus que tout, il garantit aux e?leveurs un prix d’achat. «A? la diffe?rence des marche?s traditionnels au cadran, le cours n’e?volue pas toute l’anne?e. Nous garantissons un revenu pour l’agriculteur et l’approvisionnement pour le transformateur.» Bien su?r, le consommateur paiera deux fois plus cher. Mais c’est l’assurance du gou?t vende?en… dans la bouche des consommateurs franc?ais et aujourd’hui europe?ens.
Jean-Christophe Collet