Si nos artères n’avaient rien à craindre ? C’est la thèse explosive du professeur Philippe Even. A lire dans « le Nouvel Observateur ».
L’affaire est à peine croyable. Le cholestérol ne serait pas ce serial killer redouté, responsable de milliers de crises cardiaques et d’arrêts vasculaires cérébraux ? Le faire baisser serait même mauvais pour la santé ? Une science universitaire et médicale vieille d’un demi-siècle doublée d’une solide croyance populaire se voit brutalement remise en question par la voix désormais familière de Philippe Even, auteur du « Guide des médicaments utiles, inutiles et dangereux » (Cherche Midi).
Le professeur s’est attelé à un nouveau marathon cérébral : relire calculette en main les études de référence sur la nocivité du cholestérol et les essais cliniques sur les statines, ces puissants réducteurs de cholestérol – le plus gros marché du médicament avec un chiffre d’affaire en 2011 de 25 milliards de dollars. Tout en se gardant de conclure prématurément, « le Nouvel Observateur » ne pouvait passer sous silence un débat qui concerne 5 millions de patients en France et 220 millions dans le monde.
« Mythes du cholestérol »
Car Philippe Even n’est pas isolé. A l’initiative du Suédois Uffe Ravnskov, auteur des « Mythes du cholestérol » et d’une centaine d’articles sur le sujet, des chercheurs et médecins de tous pays se sont regroupés en 2002 au sein du Thincs, the International network of cholesterol skeptics.
Ils sont 98, indépendants de l’industrie pharmaceutique. La plupart publient dans les revues haut de gamme, comme le « Lancet », mais leurs travaux sont peu relayés. Tous disent avoir découvert chacun de leur côté avec stupeur que rien dans la littérature scientifique ne prouve l’existence d’un lien entre le niveau de cholestérol et l’athérosclérose. Pour eux, le diabolique cholestérol-boucheur-d’artères serait un mythe.
La plus grande erreur de diagnostic de toute l’histoire du médicament ?
Il n’y aurait donc pas de bénéfice pour la santé à faire baisser le cholestérol, sauf pour certains cas d’hypercholestérolémie familiale – 100.000 français -. Encore que selon Philippe Even, même cette question mérite d’être débattue.
De deux choses l’une : soit ces savants sont des fous, soit nous sommes en présence de la plus grande erreur de diagnostic de toute l’histoire du médicament, comme le soutiennent Uffe Ranskov ou Michel de Lorgeril, au CNRS de Grenoble, auteur de trois ouvrages sur le « cholesterol delirium ».
Pour lui, la peur du cholestérol repose sur « une suite quasi ininterrompue de messages orchestrés par une propagande intensive devenue de plus en plus sophistiquée avec le temps ».
« Un médicament qui fait mal »
Aux Etats Unis, le débat n’est pas tabou. « Les médicaments anticholestérol ne font aucun bien à beaucoup de gens », affirmait le journaliste John Carey en une du très sérieux « Business Week », en 2008 (traduit en français dans le numéro de février de la revue « Books », consacré lui aussi au cholestérol). « Le Nouvel Observateur » retrace cette semaine l’histoire du consensus né après-guerre en Amérique à l’occasion d’une vaste épidémie d’attaques cardiovasculaires, et détaille les incertitudes qui seraient de nature à le fragiliser.
Désormais incontournable, ce débat intéressera les médecins qui pensent tout bas qu’on a la main trop leste à prescrire des statines et qu’on en fait beaucoup trop autour du cholestérol. Etre sous statines à vie n’est pas anodin. Le traitement peut être toxique pour les muscles. Des généralistes évoquent « un médicament qui fait mal », au point de conseiller parfois en douce à leurs patients d’arrêter leur traitement contre l’avis du cardiologue. La FDA, l’autorité de santé américaine, a d’ailleurs fini par alerter, au printemps dernier, sur le risque de perte de mémoire et même de diabète.
Une position qui suscite déjà la controverse. Claude Le Feuvre, président de la Fédération française de cardiologie, réplique à Philippe Even dans une interview au « Nouvel Observateur » : selon lui, si le cholestérol n’est pas le seul coupable, il a bien un « lien de causalité direct » avec l’arthérosclérose.