Le 19 novembre 2015, l’agence étasunienne en charge de l’alimentation (FDA, Food and Drug administration) a finalement accepté d’autoriser le saumon génétiquement modifié de l’entreprise AquAdvantage pour la consommation humaine [1]. Ce saumon n’est pas encore autorisé au Canada. Cependant, en janvier 2016, la Cour fédérale canadienne a considéré que l’autorisation de la production d’œufs de saumon transgénique sur l’île du Prince Edward était « raisonnable ». Aux États-Unis, fin janvier 2016, la FDA a fait volte-face et a suspendu l’autorisation. Le 30 mars 2016, plusieurs organisations environnementalistes déposaient une plainte contre cette autorisation.
Le saumon, développé par AquaBounty Technologies (dont l’actionnaire principal est the Intrexon Corporation), a été modifié pour grandir quatre fois plus vite. Mais selon de nombreuses publications scientifiques, dont l’étude publiée en 2002 dans la revue American Society of Animal Science [2], l’hormone de croissance, produite par transgenèse, aboutit à plusieurs dégâts collatéraux. Ainsi, ces animaux ont une tendance supérieure aux autres à devenir diabétiques et les poissons d’AquaBounty devront probablement être vendus sous forme de filets ou dans des plats cuisinés du fait de leurs difformités. De nombreuses voix s’étaient donc élevées pour dénoncer les risques tant environnementaux que sanitaires [3] [4] [5]. Il s’agit du premier animal transgénique autorisé au niveau mondial pour la consommation humaine.
D’autres animaux GM avaient déjà été autorisés comme des poissons d’aquarium [6] et le moustique transgénique pour lutter contre la dengue au Brésil [7].
La FDA conditionne l’autorisation
La FDA a cependant conditionné son autorisation au fait d’élever ces saumons génétiquement modifiés uniquement « à terre », dans des bassins d’éclosion fermés, dans deux installations spécifiques au Canada (à Souris, île du Prince Edward [8]) et au Panama. Autrement dit, l’autorisation « ne permet pas que ce saumon soit conçu et élevé aux États-Unis ».
En revanche, le Canada vient de confirmer que de tels œufs de saumon GM pouvaient être élevés sur l’île du Prince Edward. Cependant, l’autorisation pour la vente du saumon transgénique en tant que tel est toujours en attente au Canada.
Malgré cette précaution, l’opposition continue tant de la part de certaines collectivités territoriales que d’entreprises agro-alimentaires. Elles sont une soixantaine – comme Subway, Whole Foods, Trader Joe’s ou Kroger [9] – à avoir annoncé qu’elles ne souhaitaient pas vendre ce saumon transgénique sur leur étal. Ainsi, dernièrement, CostCo, deuxième plus grand détaillant étasunien qui, d’après Reuters, achète chaque semaine 272 tonnes de saumon, a annoncé qu’il s’engageait à ne pas commercialiser ce « Frankenfish ».
Lors des consultations liées à la procédure d’autorisation, la FDA a reçu plus de deux millions de messages opposés à l’autorisation de ce saumon transgénique. Et plusieurs états étasuniens avaient souhaité l’interdire sur leur territoire, comme la Californie [10] ou l’Alaska [11].
La FDA suspend l’autorisation
La mobilisation a porté ses fruits. La sénatrice de l’Alaska, Lisa Murkowski [12] a en effet réussi à suspendre l’autorisation de ce saumon transgénique, « jusqu’à ce que la FDA publie des lignes directrices en matière d’étiquetage pour informer les consommateurs finaux ». Concrètement, cette suspension passe par un certain nombre d’amendement (section 761) dans une loi de finance générale [13].
Cette loi prévoit donc un budget de 150 000 dollars qui englobe les salaires et autres dépenses pour permettre à la FDA de mettre au point ces lignes directrices et « mettre en œuvre un programme visant à communiquer aux consommateurs que le saumon en vente est une variété génétiquement modifiée ».
Certains observateurs estiment que ce processus de lignes directrices peut prendre des années.
La FDA a envoyé le 29 janvier une alerte [14] qui précise que « tout envoi suspecté ou connu de saumon GM ou de produit composé entièrement ou en partie de saumon GM doit être signalé aux autorités compétentes ».
AquaBounty a précisé dans un communiqué de presse [15] que cette alerte de la FDA ne changeait rien à la stratégie de l’entreprise car elle « n’importe pas actuellement [son] saumon aux États-Unis ».
Cette suspension peut paraître tout à fait surprenante. En effet, aux États-Unis, jusqu’à présent, aucun produit issu d’OGM ne doit obligatoirement faire l’objet d’un étiquetage spécifique. La FDA a d’ailleurs publié récemment des lignes directrices sur l’étiquetage OGM et non OGM [16] qui ne semblait pas remettre en cause le cadre politique général. Ces lignes directrices vont-elles conduire à un étiquetage obligatoire du saumon GM et de ses produits dérivés ? La FDA a juste obligation de mettre au point des lignes directrices, mais le combat pour la transparence du consommateur a, selon la sénatrice Murkowski, marqué un point.
Une autorisation attaquée en justice
Le 30 mars 2016, plusieurs organisations environnementalistes dont The Center for Food Safety, Food and Water Watch, et Friends of the Earth, ont déposé une plainte auprès du tribunal fédéral de Californie contre l’autorisation accordée par la FDA au saumon transgénique d’AquaBounty [17]. Elles estiment que l’évaluation des risques environnementaux et socio-économiques de ce saumon GM « était extrêmement limitée », qu’elle ne permet donc pas d’innocenter ce saumon. De nombreux documents ont été ignorés au cours de la procédure d’autorisation [18]. Elles considèrent aussi que la FDA n’est pas l’autorité compétente pour réglementer les animaux transgéniques. Cette plainte vise donc à interdire à la FDA de prendre de telles décisions tant que le Congrès n’aura pas donné un mandat précis à cette agence. La FDA, rapporte Reuters [19], n’a pas souhaité commenter cette plainte.
Au Japon, le Seikatsu Club, une organisation de consommateurs, a, elle aussi, dénoncée cette autorisation qu’elle qualifie d’ « irresponsable ».
Références:
[3] Inf’OGM, « Le saumon OGM encore sur la sellette », , 2 septembre 2015
[4] Inf’OGM, « CANADA – Les descendants, hybrides, d’un saumon OGM pourraient menacer les saumons sauvages », , 3 juin 2013
[5] Inf’OGM, « Poissons transgéniques : est-ce bien raisonnable ? », , novembre 2001
[6] Inf’OGM, « Commercialisation d’un poisson transgénique », , 2 février 2004
[7] Inf’OGM, « BRESIL – Le moustique OGM attend finalement la validation de l’agence sanitaire », , 16 avril 2016
[8] Plusieurs associations écologistes canadiennes dont Ecology Action Centre et Living Oceans Society avaient attaqué en justice l’autorisation donnée en 2013 pour la production d’œufs de saumon GM sur cette île. Le 6 janvier 2016, le juge fédéral Russel W. Zinn a considéré cette autorisation comme « raisonnable », même s’il a cantonné cette production à cette seule et unique usine de Souris
[9] Inf’OGM, « ETATS-UNIS – Plusieurs supermarchés refuseront de vendre du saumon OGM », , 21 mars 2013
[10] Inf’OGM, « États-Unis – Saumon OGM : la Californie réaffirme son opposition », , 10 octobre 2014
[11] Inf’OGM, « ALASKA – Un non officiel au saumon OGM », , 26 février 2013
[13] Le 2016 Omnibus Appropriations Act fait 2009 pages, https://www.congress.gov/bill/114th-congress/house-bill/2029/text, section 761
[16] Inf’OGM, « ÉTATS-UNIS – Comment (ne pas !) étiqueter les OGM… », , 20 janvier 2016
[17] La plainte vise concrètement Sylvia Burwell en tant que secrétaire du département étasunien à la Santé et aux Services humain (U.S. Department of Health and Human Services), la FDA et l’Agence étasunienne en charge de la pêche et de la faune sauvage (U.S. Fish and Wildlife Service).
[18] Inf’OGM, « Le saumon OGM encore sur la sellette », , 2 septembre 2015
Source : Inf’OGM