La flore intestinale prépare nos cellules immunitaires au combat

Les bactéries intestinales, comme Clostridium difficile, contribuent au bon fonctionnement du système immunitaire. © Med. Mic. Sciences Cardiff, Wellcome Images, cc by nc nd 4.0

Un être humain, c’est 9 % de cellules humaines… et 91 % de bactéries. Représentant quelques kilogrammes, elles se localisent principalement dans l’intestin, où elles contribuent à la digestion. Mais elles régulent également une série d’autres fonctions que l’on commence peu à peu à découvrir. Elles interfèrent avec notre humeur, notre appétit, notre cerveau et préservent de certaines maladies ou, si les populations sont déséquilibrées, en favorisent le développement.

En effet, la composition de la flore intestinale est liée à l’obésité, à la sclérose en plaques, à l’autisme, à certains cancers ou à des pathologies entraînant des inflammations de l’intestin, la maladie de Crohn par exemple, comme une nouvelle étude parue dans Cell Host & Microbe vient tout juste de le confirmer.

Qu’en est-il de leur implication dans les maladies infectieuses ? Sarkis Mazmanian, de Caltech, a voulu étudier l’interaction entre ces bactéries symbiotiques et notre système immunitaire. Dans la même édition de Cell Host & Microbe, lui et son équipe montrent qu’elles jouent un rôle important dans l’efficacité de nos défenses.

Des bactéries qui aident à combattre les bactéries

L’expérience a été conduite chez des souris. Chez une partie d’entre elles, la flore intestinale avait été détruite, tandis que les autres disposaient des bactéries naturellement présentes. Les auteurs ont donc comparé la nature et le nombre de cellules du système immunitaire inné (les premières lignes de défense, non spécifiques) circulant dans le sang, mais aussi les populations de réservistes en attente dans la moelle osseuse et la rate.

Les souris aseptisées infectées par Listeria monocytogenes n’ont pas survécu, contrairement à leurs congénères disposant d’une flore intestinale. © CDC, Wikipédia, DP

 

Les rongeurs aseptisés se sont montrés bien moins pourvus:  macrophages, monocytes,neutrophiles, granulocytes ou cellules souches immunitaires étaient en sous-effectif. De plus, les auteurs ont remarqué que les réserves dans la rate ne semblaient pas au point. Un premier constat qui a surpris les auteurs, intrigués de constater que des bactéries localisées dans l’intestin influent sur l’immunité à l’échelle d’un organisme entier.

Après ces premières observations, les scientifiques ont voulu évaluer l’impact réel d’un tel affaiblissement des populations immunitaires en cas d’infection réelle. La bactérie Listeriamonocytogenes a fait office de pathogène, comme souvent avec ces rongeurs modèles. Les souris avec une flore intestinale ont présenté les symptômes mais s’en sont remises, à la différence de leurs congénères à l’intestin stéril qui ont succombé. La preuve que les apparences n’étaient pas trompeuses.

La flore intestinale, alternative aux antibiotiques ?

Les chercheurs apportent quelques nuances. Les souris aseptisées chez lesquelles on a injecté des bactéries intestinales ont réussi à survivre à l’infection par l’agent de la listériose. À l’inverse, les souris normales surtraitées aux antibiotiques pour détruire leurs symbiontes ont connu plus de difficultés à surmonter la maladie. La flore intestinale semble prendre part à la lutte qui oppose le système immunitaire aux pathogènes.

Ces résultats amènent les auteurs vers deux réflexions. La première suggère que l’utilisation d’antibiotiques préalable à toute intervention chirurgicale en prévention d’une infection pourrait en réalité faciliter le développement de pathogènes après destruction de la flore intestinale. D’autre part, en ces temps d’antibiorésistance bactérienne où des alternatives s’imposent, les scientifiques imaginent que certaines populations microbiennes pourraient constituer des solutions nouvelles dans le traitement de maladies infectieuses.

Futura Sciences