« … Pour nourrir 6 milliards d’êtres humains avec l’agriculture biologique, il faudrait abattre la majorité de nos forêts et beaucoup de ces terres ne seraient productives que sur une courte peériode… » – Norman Borlang, phytogénéticien, père de la révolution verte (2002)
« La plus grande catastrophe à laquelle la race humaine pourrait faire face durant ce siècle n’est pas le réchauffement planétaire, mais une conversion généralisée à l’agriculture biologique – environ 2 milliards de personnes en mourraient… » – John Emsley, chimiste de Cambridge.
Que penser de ces critiques arrogantes qui prédisent la famine avec l’adoption de l’agriculture biologique ? De nombreuses études menées de par le monde montrent en réalité que les fermes biologiques peuvent produire autant et dans certains cas plus que les fermes conventionnelles.
L’agriculture biologique sous la loupe scientifique
En Suisse, les scientifiques de l’Institut de Recherche pour l’agriculture biologique ont montré que les fermes bio avaient un rendement inférieur de 20 % par rapport aux fermes conventionnelles sur une période de 21 ans. Par contre, la pratique de l’agriculture biologique réduit de 34 à 53 % l’usage de fertilisants et les dépenses énergétiques, en plus de permettre une diminution de 97 % des épandages de pesticides.
Aux états-Unis, Per Pinstrup Andersen et ses collaborateurs sont arrivés à la conclusion que le rendement de l’agriculture bio arrive à 80 % du rendement de l’agriculture conventionnelle.
Bill Liebhardt, scientifique agricole de l’université de Californie à Davis a découvert que la production de maïs biologique atteignait 94 % de celle de la production conventionnelle, celle du blé bio 97 % et celle du soya bio 94 %. La production de tomate bio quant à elle égalait la production conventionnelle.
Dans les pays pauvres où se concentrent les problèmes de famine, la différence de rendement disparaît complètement : les chercheurs de l’université d’Essex, Jules Pretty et Rachel Hine ont étudié plus de 200 projets agricoles dans les pays en voie de développement et ont découvert que pour l’ensemble de ces projets – 9 millions de fermes sur près de 30 millions d’hectares – le rendement augmentait en moyenne de 93 %.
« Une étude sur 7 ans portant sur 1000 fermiers cultivant 3200 ha dans le district de Maïkaal, dans le centre de l’Inde, établit que la production moyenne de coton, de blé et de piment était jusqu’à 20 % plus élevée dans les fermes biologiques… »
Une étude sur 7 ans portant sur 1000 fermiers cultivant 3200 ha dans le district de Maïkaal, dans le centre de l’Inde, établit que la production moyenne de coton, de blé et de piment était jusqu’à 20 % plus élevée dans les fermes biologiques que dans les fermes conventionnelles de la région.
Les agriculteurs et les scientifiques agricoles attribuent les rendements plus élevés dans les fermes bio de cette région sèche aux cultures de couverture, au compost et à d’autres pratiques qui augmentent la teneur en matière organique (qui aide à retenir l’eau) dans les sols.
Une étude menée au Kenya a démontré que dans les zones à fort potentiel (c’est-à-dire avec des précipitations importantes et une bonne qualité de sol), la production bio est moins élevée que la production conventionnelle. Dans les zones arides, régions plus pauvres ayant une piètre qualité de sol, la production bio dépasse systématiquement celle des agriculteurs conventionnels. C’est dans les régions pauvres frappées par la sècheresse où les problèmes de famine sont les plus graves, que l’AB peut contribuer grandement à améliorer la sécurité alimentaire, en Afrique subsaharienne, par exemple.
La faim du monde
Dans la problématique de la faim dans le monde, il y a les réalités du système alimentaire mondial orchestrées par les contraintes politiques et les directives économiques. C’est vrai que la transition vers l’agriculture biologique peut augmenter la production dans les pays africains et asiatiques les plus affamés. Mais… un milliard d’individus continuera de souffrir de la faim dans la mesure où tous les excédents agricoles seront exportés seulement vers les régions qui ont les moyens de les payer.
L’agriculture biologique est une combinaison sophistiquée de sagesse ancienne et d’innovations écologiques modernes qui permettent d’aider à maîtriser les effets générateurs de rendements des cycles nutritifs, les insectes bénéfiques et la synergie des cultures.
Le système alimentaire mondial est complexe. Il est difficile d’anticiper l’expansion de l’économie chinoise comme importateur majeur ayant des influences sur le prix mondial des aliments. La suppression des subventions agricoles dans les pays riches pourrait modifier la situation économique des pays pauvres. L’augmentation de la consommation de viande dans le monde est un handicap pour produire plus de nourriture pour ceux qui ont faim.
« Résoudre le problème de la faim ne peut pas devenir réalité si l’ensemble de l’humanité veut imiter le modèle alimentaire des états-Unis ! »
Résoudre le problème de la faim ne peut pas devenir réalité si l’ensemble de l’humanité veut imiter le modèle alimentaire des états-Unis ! Consommer à l’image du consommateur américain nécessiterait plusieurs planètes-terre pour satisfaire les besoins de tout le monde ! Il faut proposer de consommer autrement, de se nourrir avec moins de protéines animales. C’est l’avenir de la planète qui est en jeu, en même temps que la santé de la population mondiale.
Avec la quantité de céréales et protéagineux transformés pour nourrir un poulet qui servira d’aliment carné, on peut nourrir 7 personnes lorsque les céréales et les légumineuses sont transformées en pain et près de 20 personnes si les céréales sont germées et consommées sous forme de jeunes pousses.
« L’agriculture biologique peut-elle nourrir l’humanité », n’est pas la bonne question dans la mesure où nourrir la planète dépend plus de la politique et de l’économie que de n’importe quelle innovation technique. La vraie question est plutôt « Pouvons-nous remédier aux disparités en matière de nutrition ? »
La sécurité alimentaire n’est pas seulement une question de disponibilité de produits mais aussi d’accès à la nourriture. La planète produit assez pour nourrir tous les habitants du monde. La persistance de la faim démontre que l’agriculture à elle seule, qu’elle soit biologique ou conventionnelle, ne peut résoudre le problème de l’insécurité alimentaire.
La terre malade du tabac
Le tabac n’est pas seulement dangereux pour la santé humaine. Il attaque aussi la santé de la terre. La culture du tabac ruine les sols en nécessitant 11 fois plus d’azote qu’une culture alimentaire comme le manioc, 36 fois plus de phosphore et 24 fois plus de potassium. Dans les pays du tiers-monde cette culture est responsable de la perte annuelle de 22 à 40 000 km2 de forêts dont les arbres sont coupés pour fournir le combustible indispensable au séchage du tabac (Rapport sur la planète Terre, de Nicholas Hildyard, 1990).
Là où l’on cultive le tabac, on ne cultive pas de plantes vivrières. Le tabac rapporte de l’argent aux compagnies, mais cela ne nourrit pas pour autant, alors que la malnutrition sévit partout. Au Nigeria, le tabac a remplacé le riz dans la riche plaine de Sohoto. Aujourd’hui le Nigeria se voit dans l’obligation d’importer le riz dont il a besoin, donc de cultiver plus de tabac pour se procurer les devises nécessaires. Ainsi s’enclenche un cycle infernal particulièrement vicieux qui conduit à l’extension de la culture du tabac et aussi à l’extension de la consommation tabagique. Et plus tard, lorsque les cigarettes opèrent une ponction sur le budget déjà faible des habitants du tiers-monde, cette dépense se fait au détriment de la nourriture de la famille et notamment des enfants. Le tabac contribue ainsi directement à la malnutrition dans ces pays.
La culture du tabac nécessite aussi des applications importantes et fréquentes d’engrais et de pesticides (insecticides et herbicides) tout au long du cycle végétatif. La plupart des pesticides utilisés sont toxiques et cancérigènes. Parfois même, sont utilisés des pesticides interdits dans les pays du Nord mais tolérés dans les pays du Sud (DDT, aldrine…). Les pesticides employés imprègnent les cultures mais aussi le corps des paysans qui les pul- vérisent sans précaution et sans protection.