L’alimentation à l’origine de l’humanité et ses évolutions

Les sciences humaines ont tendance à dégager l’Homme de toute contrainte naturelle, ce qui ne manque pas d’influencer les sciences médicales au sens large. On lit et entend des affirmations sur les régimes de nos ancêtres, l’importance de la viande comme de sa cuisson, des conséquences sur la vie sociale sans oublier des conceptions naïves qui consistent à retrouver les bonnes habitudes ancestrales. C’est oublier que notre régime alimentaire résulte d’une double coévolution : la première en relation avec les ressources disponibles de l’environnement, comme pour toutes les espèces, et la deuxième dans le jeu des interactions complexes entre nos innovations culturelles et notre biologie.

L’Homme moderne ou Homo sapiens est un omnivore, une évidence pour tout le monde. Mais quel type d’omnivore ? Parmi la centaine de singes catarrhiniens qui peuplent les forêts et les savanes plus ou moins arborées de l’Afrique, de l’Asie et de l’Europe – ce qu’on appelle l’Ancien Monde -, plus de la moitié possèdent des régimes alimentaires de type frugivore/omnivore. Il s’agit des babouins, des macaques, des cercocèbes, des cercopithèques et, plus proche de nous, des orangs-outangs et des chimpanzés. Autrement dit, manger des fruits, des jeunes feuilles, des exsudats, des fleurs, des insectes et de la viande est une vieille habitude, non pas que de famille, mais de la grande lignée des singes de l’Ancien Monde. Il en va de même chez les singes platyrrhiniens d’Amérique du Sud – donc du Nouveau Monde.

Rechercher et consommer différents types de nourritures est plutôt rare chez les mammifères. Etre généraliste est une vraie spécialité pour la quête des ressources, l’accès aux aliments, les façons de les préparer, de les ingérer comme de les digérer. Etre omnivore s’apprend, ce qui veut dire que de tels régimes impliquent des adaptations sociales et cognitives complexes. Donc, d’un point de vue adaptatif, avoir des régimes omnivores dépasse les questions fondamentales de physiologie, de métabolisme et de diététique. Cette contribution s’intéresse au régime alimentaire dans une perspective évolutionniste, ce qui conduit à évoquer les régimes alimentaires des singes et à comparer l’Homme aux espèces les plus proches de lui, comme les chimpanzés, en évoquant les aspects socio-écologiques.

Après une reconstitution de ce que pouvait être le régime du dernier ancêtre commun aux hommes et aux chimpanzés, on suivra les grandes étapes de l’évolution du régime chez les australopithèques, puis chez les premiers hommes, avec la question de l’apport de la viande. Avec l’émergence du genre Homo et l’invention de nouveaux outils ainsi que l’usage du feu, se met en place la coévolution entre les innovations techniques et culturelles et la biologie. L’acquisition d’un plus gros cerveau en relation avec la cuisson des nourritures végétales en est un des aspects les plus spectaculaires.

Enfin, avec la fin de la préhistoire et l’invention des agricultures, s’instaure une autre coévolution qui, depuis 10.000 ans, joue un rôle considérable dans l’évolution des différentes populations humaines. Les régimes alimentaires connus dans diverses régions du monde résultent de coévolutions complexes, et parfois dramatiques, trop souvent ignorées des diététiciens et des nutritionnistes. La malbouffe, l’obésité, les désastres humanitaires/alimentaires sont autant de conséquences d’une mal-évolution qui n’a rien à voir avec l’évolution darwinienne, mais avec l’ignorance de ce qu’a été et est cette évolution.

Les régimes alimentaires des singes

Des études comparatives empiriques du régime alimentaire des primates dégagent une tendance générale en fonction de la taille corporelle. Les espèces de plus petite taille – quelques centaines de grammes – consomment principalement des insectes. Celles de petite taille – quelques kilogrammes – mangent beaucoup d’insectes, mais aussi des fruits. Celles de taille moyenne – moins d’une dizaine de kilogrammes – recherchent des fruits, quelques insectes et des feuilles tendres ou des pousses pour l’apport en protéines. Celles de taille plus grande – plus d’une dizaine de kilogrammes – préfèrent les fruits et les feuilles moins matures. Enfin, les plus corpulentes – comme les gorilles – se concentrent sur des aliments fibreux comme les feuilles de toutes sortes et les lianes. … Lire la suite sur i-diététique.com

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