Pour la première fois en France, une loi est adoptée sur l’encadrement de l’exposition aux ondes électro-magnétiques. C’est le début d’une reconnaissance du danger des radiofréquences sur la santé. Parmi les études publiées récemment, celle de l’Inserm confirme bien le lien entre l’utilisation intensive du téléphone portable et l’apparition de tumeurs cérébrales. Mais où commence l’« utilisation intensive » ? Et pour quels consommateurs ? Les réponses sont inquiétantes.
Depuis janvier 2013, Camille a téléphoné 1 433 heures avec son portable. A 31 ans, elle aurait un risque de développer une tumeur cérébrale. Cette « association positive » entre l’utilisation du téléphone portable et le développement de tumeurs cérébrales est le résultat de l’étude publiée par l’Unité Inserm 897 de Bordeaux en mai 2014, une des dernières – et des rares – parues sur le sujet. Les travaux montrent que « l’utilisation massive du téléphone portable, supérieure ou égale à 896 heures d’appels, dans une vie, serait associée au développement de tumeurs cérébrales. Chez ces personnes, le risque d’avoir une association positive entre l’utilisation de leur téléphone portable et le développement de tumeurs cérébrales est augmenté pour celles qui téléphonent plus de 15 heures par mois. » Des chiffres d’une précision étonnante qui classent Camille parmi les utilisateurs « intensifs » du portable, ce qu’elle était loin d’imaginer avec ses 16 heures et 38 minutes consommées le mois dernier. En douze ans, Camille a changé cinq fois de téléphone portable. Personne ne lui a dit qu’il fallait limiter ses appels, privilégier l’oreillette et éviter de téléphoner dans les zones de mauvaise réception. Au contraire, on l’a à chaque fois incitée à profiter des nouvelles offres illimitées.
D’après l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep), les 67 millions de Français détenteurs d’une carte Sim téléphonent en moyenne 3 heures et 4 minutes par mois. Selon les conclusions de l’Inserm, le risque de développer une tumeur apparaîtrait au bout de 24 années d’utilisation, soit dans une petite dizaine d’années pour les personnes équipées d’un portable depuis 2000. Mais le risque est bien supérieur pour les plus jeunes, si l’on se réfère à une étude menée fin 2012 par l’Association santé environnement France (Asef) auprès de lycéens de 12 établissements en région Paca : on y montre que près de la moitié des élèves téléphonent plus d’une demi-heure par jour, 20 % d’entre eux passant plus de 2 heures d’appels.
Le Pr Dominique Belpomme, cancérologue, parle d’un « déni scientifique » face à une future « catastrophe sanitaire »
Lorsque l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a affirmé, en 2009, que l’utilisation du téléphone portable était « possiblement » cancérogène, des études et des contre-études sur le sujet se sont multipliées en Europe et aux Etats-Unis, apportant plus ou moins de nuances à leurs conclusions. En 2013, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) concluait dans son rapport « Radiofréquence et santé » que l’utilisation du portable ne présentait pas de « risques avérés » mais qu’il fallait poursuivre la recherche. Jean-Pierre Marc-Vergnes, neuropsychiatre et expert à l’Anses, admet que « la direction de l’agence adapte quelquefois ses conclusions en fonction de ce qui est formulé par les pouvoirs publics, comme ce fut le cas suite à la publication du rapport de l’Afsset en 2009 ». Une position qui inquiète les associations françaises comme Priartem, Robin des toits ou Une terre pour les EHS (personnes électro-hypersensibles) qui dénoncent des conflits d’intérêts aggravés par la crise économique. La communauté scientifique, elle, constate chaque jour un peu plus que le temps de la science n’est pas le même que celui des industriels.
Derrière son bureau envahi de polycopiés et de rapports scientifiques, le Pr Dominique Belpomme, cancérologue et président de l’Association pour la recherche thérapeutique anti-cancéreuse (Artac), mène seul avec sa petite équipe ses recherches sur l’électro-hypersensibilité. Depuis 2008, il dit avoir examiné plus de 1 200 « malades », la plus grande série mondiale. Il parle d’un « déni scientifique » face à une future « catastrophe sanitaire », « d’un scandale mille fois plus important que l’amiante, car il concerne des milliards d’individus qui abusent du portable ». Pourtant, il refuse de publier ses résultats et décline les invitations aux auditions de l’Anses. Pourquoi ? Parce que l’agence a refusé de financer ses études. « J’ai été obligé de trouver de l’argent aux Etats-Unis, au Canada et en Suède pour mener mes recherches. Mes résultats n’appartiennent donc pas à la France, et j’attends maintenant l’autorisation de ces pays pour les publier », se justifie-t-il.
Le cancérologue affirme qu’utiliser le téléphone portable plus de 20 mn par jour provoquerait à long terme l’Alzheimer
Cet homme de 71 ans affirme avec conviction que l’abus du téléphone portable (soit plus de 20 minutes par jour selon lui) provoquerait à long terme la maladie d’Alzheimer. « Le grand risque aujourd’hui, ce n’est pas le cancer mais la destruction des cellules du cerveau qui provoque la maladie d’Alzheimer. Les plus jeunes sont les plus exposés, car ils sont les plus gros utilisateurs du portable et leur cerveau n’est pas mature avant l’âge de 15 ans. Je vois aujourd’hui arriver en consultation de plus en plus de gens, dont des jeunes, ayant des symptômes de confusion mentale de type pré-Alzheimer qui peuvent évoluer vers la démence : déficit de mémoire immédiate, de concentration, désorientation spatio-temporelle. Comme en Grande-Bretagne, il faudrait déconseiller l’usage des portables aux moins de 15 ans et demander aux futures mères ou jeunes mamans d’éloigner au maximum le téléphone de leurs bébés. Je constate, par ailleurs, que les femmes sont plus sensibles aux champs électromagnétiques car elles représentent les deux tiers de mes malades », affirme-t-il.
Les tests que le Pr Belpomme a mis au point montrent que l’exposition aux ondes électromagnétiques provoquerait chez certaines personnes un problème d’oxygénation du cerveau qui, dans le pire des cas, causerait une « intolérance » aux champs électromagnétiques, allant jusqu’au courant électrique standard. D’après ses recherches, des facteurs génétiques favoriseraient cette hypersensibilité. Certaines personnes doivent protéger leur maison avec des matériaux spéciaux, voire se réfugier loin des villes pour retrouver leurs capacités.
Jonathan, 32 ans, est électrosensible. Il est le premier Français à avoir bénéficié d’une aide départementale pour s’équiper de protections anti-ondes.
Ces malades, appelés électro-hypersensibles (EHS), sont difficiles à comptabiliser, mais représenteraient de 1 % à 10 % de la population. On parle de 25 % à la fin du siècle. Les douleurs dont ils se plaignent sont de nature variée. Cependant, en général, ils souffrent de migraines, de problèmes digestifs, de douleurs articulaires, de fatigue chronique ou encore de picotements cutanés. Ils intéressent particulièrement les pouvoirs publics, qui ont commandé à l’Anses une étude spécifique qui devrait être publiée cette année.
Jean-Pierre Marc-Vergnes travaille justement sur cette question depuis 2010 et déclare vouloir rester « très prudent » sur ce sujet qui a pris « une tournure politique et polémique ». Agé de 80 ans, il se présente comme « un vieux chercheur amorti qui n’a plus rien à attendre d’une carrière scientifique » et peut donc s’atteler à des travaux sur ce problème épineux « où il y a des coups à prendre de tous côtés ».
Il démarrera cette année une recherche sur l’hypersensibilité électromagnétique financée par l’Anses, au cours de laquelle 60 personnes seront observées : perception cutanée et réactivité du circuit de la douleur. Le but est d’établir éventuellement un lien entre les pathologies des électrosensibles et celles des chimicosensibles (intolérances aux produits et aux odeurs chimiques). Pour le Dr Marc-Vergnes, « si le corps médical est gêné, c’est parce qu’il ne comprend pas ce qu’ont ces personnes en détresse. Certains médecins parlent de perturbations mentales, mais je crois qu’ils dérapent un peu. J’ai rencontré suffisamment d’EHS pour dire qu’ils sont tout à fait normaux ». Très réservé sur les conclusions de ce futur rapport, il dévoile cependant un élément tiré de son expérience personnelle : « Je crois que ce sont les personnes qualifiées autrefois de spasmophiles que l’on diagnostique aujourd’hui EHS. »
Selon la fédération française des télécoms, l’exposition à la 3G et à la 4G est cent à mille fois inférieure à la 2G
Bien que la cause précise de ces maux reste encore mystérieuse, leur étude pourrait nous en dire davantage sur le degré d’impact des ondes qui nous entourent et auxquelles nous sommes tous exposés. Nous vivons actuellement – dans les villes en particulier – dans un brouillard composite appelé « smog » comportant les ondes des téléphones portables, du WiFi, du Wimax, du Bluetooth, de la 2G, de la 3G et maintenant de la 4G. Nous ne connaissons pas les effets précis des unes et des autres sur nos organismes, ni des unes sur les autres. Un porte-parole de la Fédération française des télécoms (FFT), qui préfère rester anonyme, veut être rassurant depuis son téléphone portable collé à l’oreille (car « il ne se pose pas de questions » malgré les recommandations de sa propre fédération d’utiliser une oreillette) en précisant que « l’exposition à la 3G et à la 4G est cent à mille fois inférieure à la 2G ». Selon lui, « les risques d’exposition aux ondes ne sont pas avérés, comme l’indique l’Anses dans son rapport de 2013, et le réseau déployé depuis vingt ans par les opérateurs est protecteur de la santé, de l’environnement et assure une bonne qualité de service », avant d’ajouter que le public réalise que « ces services lui sont utiles […] et que l’Etat est quand même bien gentil avec les associations anti-ondes. »
Car, pour lui, leurs revendications sont sans fondement. Les associations souhaitent néanmoins abaisser le seuil thermique à 0,6 volt par mètre (un niveau recommandé en 2011 par le Conseil de l’Europe) au lieu des 41 à 61 volts par mètre, seuil thermique fixé par un décret de 2002. « Je reviens de Florence, en Italie, où plane une inquiétude autour des ondes électromagnétiques. Les valeurs limites ont été abaissées à 0,6. Les antennes ont donc toutes été surélevées. Cela enlaidit énormément le paysage, c’est dommage », déplore-t-il. En Europe, d’autres pays comme l’Autriche, la Belgique, le Luxembourg, la Pologne et la Grèce ont baissé leurs seuils à 0,3 ou 0,6 volt par mètre. La Chine, la Russie et l’Inde ont également fait ce choix, obligeant les opérateurs à multiplier le nombre d’antennes-relais en les remplaçant par de moins puissantes. Pour le porte-parole de la FFT, il règne une « psychose » en Inde, où « il y a déjà beaucoup de problèmes ; donc pourquoi ne pas trouver un faux problème comme dérivatif ? ». Un « faux problème » qui pose tout de même de vraies questions.
“Des tests biologiques qui ne laissent pas de doute”
Le Pr Dominique Belpomme (photo, assis au milieu de son équipe), cancérologue, pratique des tests biologiques sur ses patients qui lui permettent de mettre en évidence leur hypersensibilité. L’écho doppler cérébral pulsé montre par exemple une hypovascularisation du cerveau (entraînant un manque d’oxygène), notamment au niveau du système limbique, chez les personnes qui se disent électrohypersensibles. Le médecin constate également des anomalies biologiques dans le sang : augmentation du taux d’histamine (liée à l’immunité et aux allergies), présence anormale de la protéine S100B (qui aide à fixer le calcium et agit sur la prolifération cellulaire) et, dans un tiers des cas, baisse de la mélatonine (l’hormone du sommeil) dans les urines.
Sur le plan expérimental, il affirme avoir soumis une dizaine de malades à des champs électromagnétiques et avoir établi un lien direct avec les anomalies biologiques (comme chez les rats soumis aux mêmes tests). Si le diagnostic est établi – ce qui fut le cas de 90 % des 1 200 personnes examinées depuis 2008 –, le Pr Belpomme administre un traitement d’antihistaminiques, d’antioxydants, d’anti-inflammatoires naturels et d’une vitaminothérapie intensive pour permettre la revascularisation du cerveau. Cela permet de « rendre la vie quotidienne supportable », mais il préconise de ne surtout pas téléphoner avec son portable plus de vingt minutes par jour par séquences de six minutes pour éviter l’évolution vers la maladie d’Alzheimer. Dans les cas les plus graves, il conseille de s’éloigner temporairement mais rapidement de toutes les sources de champs électromagnétiques, si tant est que cela soit possible.
Source : Paris Match
Mon Dieu! Cela fait vraiment peur! Mais comment enrayer un problème désormais si avancé…? Ce qui est sûr c’est que je protégerai et tiendra loin le plus longtemps possible mes enfants de ces petits appareils mobiles. Le problème étant que nous sommes, surtout dans les villes, quasiment tout le temps exposés à des ondes diverses et variées plus ou moins proches… Ce qui doit aussi avoir son effet.