Dans un silence assourdissant, l’Office Européen des brevets (OEB) vient de décréter la brevetabilité du vivant ! Une interprétation des textes abracadabrantesque…
« Dépêchons-nous d’en rire, avant d’avoir à en pleurer »… se dit aujourd’hui le milliard et demi de paysans qui replante d’années en années les semences issues de leur propre récolte.
La Grande chambre des recours de l’OEB du 25 mars a décrété qu’un « produit obtenu par un procédé essentiellement biologique est brevetable« . C’est-à-dire que toute nouvelle variété obtenue par croisement naturel, dont celles se développant toutes seules, comme des grandes, dans la nature, sont brevetables !
Petits recours entre amis
Reprenons. En 2002, un brevet sur le brocoli a été accordé à la société britannique Plant Bioscience, avant d’être contesté. Par des assoces crypto-complotisto-altermondialistes ? Non, pas du tout. Par Limagrain et Syngenta, deux géants de l’industrie biotechnologique, qui étaient alors aussi en attente de brevets du même (troisième) type. Curieux… Selon « No patents on seeds« , la coalition internationale d’associations créée pour l’occasion, « il est probable que ces sociétés se soient principalement opposées à ce brevet pour que le Bureau Européen des Brevets confirme, au lieu de révoquer, la brevetabilité des graines traditionnelles« .
Bonne pioche ! Après 13 années d’un insoutenable suspens, le résultat est enfin là : c’est open bar sur les brevets. Et des milliers de breloques en attente devraient être attribuées d’ici peu. Une voie royale ouverte à Syngenta, Monsanto et consorts pour prendre le contrôle de notre alimentation, y compris pour les variétés millénaires, comme pour ce brevet accordé en 2014 pour une variété de poivron copiée d’une plante sauvage existant en Jamaïque. Et, si leurs semences venaient à être brevetées, des centaines de millions de paysans seront contraints d’abandonner leurs graines ancestrales pour les racheter au prix fort à leurs fabricants. Un véritable désastre.
L’ONG « No patents on seeds » se raccroche tout de même à un très mince espoir : le parlement européen, de même que plusieurs pays, dont l’Allemagne, la France et les Pays-Bas, commencent timidement à réaliser l’ampleur du problème. Mais en Europe, c’est la Commission qui décide.
Lorsque Dieu a créé l’homme et la femme, il a bêtement oublié d’en déposer le brevet, si bien que maintenant le premier imbécile venu peut en faire autant. George Bernard Shaw
Liens : décisions G2/12 et G2/13 de l’OEB, communiqués de la FNPH, et de No patents on seeds.
(Article publié sur le site « Les mots ont un sens »)