Le Docteur Jean Seignalet (1936-2003), un de mes excellents collègues, était interne des hôpitaux de Montpellier (promotion 1962). Il fut maître de conférence à la Faculté de Médecine de Montpellier, directeur du laboratoire d’Histocompatibilité de 1969 à 1989 au Centre de transfusion et d’hématologie.
Infatigable scientifique et chercheur, il était diplômé et très compétent en trois domaines : l’immunologie, la gastro-entérologie et la rhumatologie. Il avait largement les compétences et les publications pour être professeur titulaire mais les jalousies et manœuvres locales l’en ont empêché. Il est, de tous les universitaires de Montpellier, celui qui aura laissé le plus de traces positives pour la santé publique.
Il est signataire de 230 publications nationales et internationales et deux livres majeurs : « Groupage HLA en Rhumatologie » en 1985, préfacé par Jean Dausset, prix Nobel de médecine en 1980, et « L’Alimentation ou la Troisième Médecine » en 1996 que j’ai préfacé, sans cesse réédité jusqu’en 2012, traduit en espagnol et en italien.
Il fut, à Montpellier, pionnier dans le développement de nombreuses greffes d’organes : rein, foie, cœur, pancréas… permettant de mieux sélectionner et adapter donneur à receveur.
Dans les années 1980, il prend conscience de l’importance de la nutrition pour sa santé. C’est un changement radical de ses habitudes alimentaires qui lui permet de guérir d’un grave syndrome dépressif. Comme l’écrit très justement l’un de ses élèves rhumatologue, Jean-Pierre Poinsignon, à Grenoble : « Il a l’intuition que santé et nutrition sont beaucoup plus directement liées qu’on ne le pense généralement. Son passé d’immunologue le conduit alors à relier les maladies auto-immunes, telles que la polyarthrite rhumatoïde, à l’alimentation. Il élabore alors une théorie impliquant certains aliments dans le déclenchement de maladies auto-immunes, mais aussi d’une kyrielle d’autres maladies dites “de civilisation”. »
Jean Seignalet, grâce à sa double et très solide culture scientifique, médicale et biologique, acquiert une conviction : l’extrême importance de la nutrition humaine selon le principe hippocratique qui date de 500 ans avant J.C. : « Que ton aliment soit ton seul médicament ».
« Que ton aliment soit ton seul médicament »
Sa recherche méticuleuse basée sur une étude solide de la littérature scientifique – il savait sélectionner les meilleures publications au milieu d’un très grand nombre sans grande valeur – fut à l’origine d’une recherche clinique appliquée à plus de 2500 patients, suivis avec patience et rigueur. Plus que de nutrition quantitative, c’est à partir de la qualité des aliments et de leur choix qu’il mit au point une méthode alimentaire, que l’on a appelée Régime Seignalet.
Il exclut deux aliments majeurs de nos habitudes : les produits laitiers animaux quels qu’ils soient et le gluten responsable de porosité intestinale, qui laisse passer dans le corps de mauvaises molécules qui auraient dues être éliminées.
Il ajoute la suppression de la cuisson, considérant que tous les modes de cuisson détériorent les qualités nutritionnelles des aliments et s’engage dans une forme de crudivorisme (manger cru) qui lui sera beaucoup reproché. Il revient à une diététique ancestrale, en qualifiant son modèle nutritionnel d’hypotoxique.
Ses concepts originaux, il les a bâtis à partir des constatations cliniques et d’essais thérapeutiques individuels sans aucun danger et économiques, puisqu’il s’agissait de changer les habitudes alimentaires du patient.
C’est en 1992 qu’il me parle de ses travaux et de son livre. Il avait besoin d’un éditeur courageux. Je propose alors son livre, avec un argumentaire solide, à mon éditeur François Xavier de Guibert, indépendant des lobbies agro-alimentaires et pharmaceutiques, qui accepte de le publier. Le bouche à oreille et les nombreuses conférences que nous avons données ensemble ou séparément firent largement connaître son livre devenu best-seller, « L’Alimentation ou la troisième médecine » que nous n’avons pas osé alors qualifier de première médecine face à nos collègues réticents ou agressifs.
Jean Seignalet décède le 13 juillet 2003 des suites d’un cancer du pancréas largement métastasé au foie, qui fait dire à des collègues jaloux de ses succès que son régime est dangereux.
Voyons d’abord ses découvertes et résultats
L’efficacité du régime Seignalet
Jean Seignalet a ouvert la voie à une vision globale de la médecine en s’appuyant sur des bases scientifiques solides et originales. Il explique le mécanisme des maladies qu’il rencontre avec des patients de plus en plus diversifiés. Comment et pourquoi l’alimentation peut-elle être un facteur causal d’une maladie chronique ? Sa méthode obtient de très bon résultats : plus de 91 maladies qui, sur les 115 observées, ont réagi favorablement au régime. Elles se classent en 3 catégories : les maladies auto-immunes, et les maladies qu’il appelle d’encrassage et d’élimination.
Sur les 2 500 patients qu’il a suivis, 2 250 ont été nettement améliorés par la pratique de sa méthode nutritionnelle, ce qui correspond à un succès thérapeutique certain et confirme le bien-fondé d’une grande part de son raisonnement scientifique basé sur l’hyperperméabilité de l’intestin. On parle d’intestin poreux (leaky gut), reconnu scientifiquement désormais.
L’efficacité de son régime alimentaire est le meilleur porte-parole de ses théories scientifiques innovantes et révolutionnaires, grâce essentiellement au soutien des patients volontaires, qu’il recevait bénévolement, ainsi que ses lecteurs nombreux à témoigner sur Internet.
Sa conviction de l’extrême importance de la nutrition dans de nombreuses pathologies le conduit à des recherches touchant la plupart des secteurs de la médecine, mais aussi de la biologie : rhumatologie, gastro-entérologie, endocrinologie, pédiatrie, neurologie, psychiatrie, dermatologie, ophtalmologie, pneumologie, cancérologie, diététique, et immunologie, génétique, anthropologie, bactériologie, biologie moléculaire, biologie du vieillissement et physiologie.
Les critiques contre la méthode Seignalet
Elles sont facilement démontables. On peut en dénombrer trois, souvent répétées par celles et ceux de nos collègues qui ne veulent pas entendre parler de cette méthode et qui, évidemment, ne l’ont jamais essayée avec leurs patients :
- La suppression des produits laitiers conduit à l’ostéoporose donc à de la décalcification, à des douleurs et à des fractures osseuses d’abord invisibles puis à d’authentiques fractures qui conduisent au fauteuil roulant?
Ils ne savent pas que le meilleur apport calcique est le calcium végétal, le plus absorbé par la barrière intestinale, jusqu’à 75 % alors que le calcium animal n’est absorbé qu’au maximum à 40 %. Ce bon calcium est celui des fruits, des légumes et des légumineuses, dans la mesure où ils sont longuement mastiqués, broyés dans notre « palais des saveurs », avant d’être avalés.
- L’amélioration que vous obtenez en changeant radicalement d’habitudes alimentaires a un effet placebo, donc n’a aucune valeur scientifique. Cette réponse vient surtout des médecins ou des spécialistes rhumato, gastro, gériatres et même pédiatres… Ils restent accrochés et dépendants de protocoles livrés et imposés par les conférences de consensus, manipulées, sponsorisées pour la plupart par les laboratoires pharmaceutiques.
- « Ce régime ne l’a pas empêché d’avoir un cancer du pancréas ». C’est certainement la critique la plus juste, mais elle s’explique facilement pour qui connaît le fonctionnement de cette magnifique glande que nous ne respectons pas suffisamment tant elle est fragile.
Notre pancréas a deux rôles majeurs. D’abord il régule le taux du sucre dans le sang grâce à sa fabrication des deux hormones, l’une qui augmente le taux du sucre quand il en manque, le glucagon ; l’autre qui l’abaisse quand il y en a trop, l’insuline.
Son deuxième rôle est de fabriquer un litre de liquide pancréatique destiné surtout à digérer les graisses de notre alimentation. Ce liquide contient des enzymes qui sont pour la plupart des pré ou pro-enzymes qui ne deviennent actifs que par l’action du suc gastrique.
Jean savait bien tout cela ; il savait aussi que le fait de consommer presque exclusivement des aliments crus pouvait forcer son pancréas. C’est pourquoi il faisait venir de l’étranger des comprimés chargés d’enzymes qui devaient le soulager et aider à la digestion tant de la partie protéique des viandes que des graisses plus ou moins cachées qu’elles contiennent. En réalité, il s’est certainement intoxiqué de pré-enzymes qui ont fatigué son pancréas au point de stimuler des cellules dormantes qui se sont multipliées à l’excès, jusqu’à diffuser vers le foie et les ganglions de la zone autour du pancréas.
Tout cela n’empêche pas Jean Seignalet d’avoir été un prophète de la médecine moderne et d’avoir proposé une méthode qui, nous l’affirmons, a fait largement ses preuves depuis son lancement.
C’est pourquoi j’ai accepté de participer, au sujet du régime de Jean Seignalet, à l’émission de télévision La quotidienne sur France 5 le 30 avril vers 12h15. Je vous recommande fortement de suivre cette émission, ou de la visionner après coup sur le site Internet de la chaîne.
Il me reste à regretter le départ prématuré de notre cher et original collègue qui arrivait à l’âge de la retraite mais avait décidé de poursuivre ses recherches encore de longues années.
Bien à vous,