Linky : voici comment résister en toute légalité – David Guyon

Dans ce nouvel épisode de la série Les Gardiens du droit, Nexus reçoit l’avocat David Guyon pour décortiquer un sujet aussi sensible que clivant : le compteur Linky. Depuis son déploiement massif en 2015, ce compteur communicant n’a cessé d’alimenter les controverses, entre atteintes présumées à la vie privée, questions de santé publique, conflit d’intérêts scientifiques et pressions institutionnelles. L’objectif de cette émission est de fournir aux citoyens les clés juridiques leur permettant de résister à son installation, sans enfreindre la loi.

Un compteur obligatoire… mais que l’on peut refuser chez soi

David Guyon pose d’emblée une affirmation choc : « Les compteurs Linky sont obligatoires. » Une phrase qu’il assume malgré les nombreuses critiques, car elle est conforme au droit. Mais il ajoute immédiatement une nuance essentielle : « Si vous refusez l’installation d’un compteur Linky dans votre domicile privé, il n’y a pas de sanction. » Autrement dit, la loi impose à Enedis de déployer ces compteurs, mais ne lui donne pas le droit de les imposer par la force dans les habitations privées.

Cette subtilité est capitale. Enedis, gestionnaire du réseau électrique français, est tenu par le Code de l’énergie d’installer les compteurs Linky, dans le cadre d’une directive européenne. Mais le respect de la vie privée et l’inviolabilité du domicile, garanties par le droit français, prévalent : « Le domicile privé est sanctuarisé. » Ainsi, un particulier peut légitimement refuser qu’un technicien pénètre chez lui, même si Enedis tente parfois de forcer l’installation dans des cas limites, comme les parties communes d’immeubles, qui ne relèvent pas de la sphère privée.

Un outil de gestion énergétique… ou de surveillance domestique ?

Si les compteurs Linky sont présentés comme une avancée technologique permettant une meilleure gestion de la consommation énergétique, David Guyon rappelle qu’ils posent des questions majeures en matière de vie privée. Dès 2018, la CNIL avait alerté sur le volume et la précision des données collectées : « Grâce aux relevés, on peut connaître les heures de lever, de coucher, le nombre d’occupants, les habitudes de vie… »

Cette capacité à analyser en détail le comportement des usagers ouvre la porte à des dérives inquiétantes, notamment si ces données sont exploitées par des acteurs publics ou privés à des fins autres que la simple gestion énergétique. Pour David Guyon, le problème ne réside pas uniquement dans la collecte de données, mais dans leur usage potentiel : « La vraie question, c’est : qui a accès à ces données, et dans quel but ? »

Il dénonce un risque réel de surveillance généralisée, soulignant que la justification de telles intrusions peut être construite autour de notions floues comme la « sécurité énergétique », qui permettent d’arbitrer contre la vie privée sans réel débat démocratique.

Un coût financier dissuasif pour les opposants

Autre levier utilisé pour contraindre les usagers à accepter Linky : le coût du refus. Officiellement, l’installation d’un compteur Linky est gratuite. En réalité, son coût est absorbé dans les abonnements et les taxes payées par tous les consommateurs. « On a déjà tous payé Linky via nos impôts et nos factures », rappelle David Guyon.

Mais depuis peu, ceux qui conservent un ancien compteur se voient appliquer des frais pour la relève dite résiduelle, c’est-à-dire manuelle : 9,48 € tous les deux mois à partir de janvier 2025. Ces frais, fixés par la Commission de régulation de l’énergie (CRE), visent à compenser l’absence de transmission automatique des données. Et selon David Guyon, cette logique pourrait s’intensifier : « Si ça continue comme ça, refuser Linky aura un prix. Une pression économique, c’est une forme de contrainte. »

Il parle même de « violence économique » exercée par l’État et les institutions, car même si le refus n’entraîne pas de sanction juridique, il devient de plus en plus coûteux pour l’usager.

Pas de retour en arrière possible : Linky est là pour rester

Pour ceux qui souhaiteraient aujourd’hui faire retirer leur compteur Linky, la réponse est sans appel : ce n’est pas possible. Le compteur ne leur appartient pas, même s’il est installé dans leur domicile. Il reste la propriété exclusive d’Enedis, qui garde le contrôle sur son usage, son remplacement et les données qu’il collecte.

Cela signifie que même dans un espace privé, un objet appartenant à une entreprise extérieure peut être présent, collecter des données et fonctionner sans que le propriétaire des lieux ait de prise directe sur lui. Une situation qui fait dire à David Guyon : « On a à vie une entreprise privée qui pompe certaines données personnelles de notre comportement. »

Un outil neutre, mais un potentiel de dérive majeur

Le débat ne porte pas uniquement sur le présent, mais surtout sur ce que le compteur Linky pourrait permettre demain. David Guyon établit un parallèle fort avec le pass sanitaire : un outil technologique qui semblait anodin à ses débuts, mais qui a rapidement été utilisé pour restreindre des libertés fondamentales.

Selon lui, Linky pourrait devenir le « bras armé d’un passe énergétique ». En cas de crise énergétique décrétée par le gouvernement, l’usage de l’électricité pourrait être modulé, limité ou coupé à distance, sans intervention judiciaire, sur la base de critères subjectifs. Il évoque un avenir dans lequel certains citoyens pourraient être désignés comme « consommateurs excessifs », « opposants politiques » ou « climatoseptiques », et donc se voir imposer un accès dégradé à l’énergie.

« On nous dira que c’est temporaire, pour le bien commun, comme toujours. Mais si demain, vous ne pouvez plus allumer une lampe et un micro-ondes en même temps, vos libertés deviennent illusoires », alerte-t-il.

La vigilance citoyenne face à l’évolution des usages technologiques

Le compteur Linky n’est, selon David Guyon, ni bon ni mauvais en soi. C’est son usage, et surtout l’intention politique qui l’entoure, qui peuvent le transformer en un outil redoutable. Le droit doit servir de garde-fou face à des dérives potentielles. Mais cela implique que les citoyens soient informés, armés juridiquement et prêts à faire valoir leurs droits.

« Aujourd’hui, le Linky est un débat technique. Demain, il pourrait être un levier de contrôle social », conclut-il. Ce changement de perspective impose de réfléchir, dès maintenant, à l’équilibre entre efficacité énergétique, vie privée et libertés fondamentales.

Source : Magazine Nexus