Falguni Vyas est praticienne en ayurveda, “science de la vie” en sanskrit, médecine traditionnelle originaire de l’Inde. Elle enseigne le yoga ainsi que la cuisine et diététique ayurvédique au centre Tapovan dans le XVéme arrondissement de Paris. Pour Bio à la Une, elle revient sur les grands principes de l’ayurveda qui visent à l’équilibre et l’harmonie de chacun.
Quelle est la première condition de l’équilibre selon la conception ayurvédique ?
Falguni Vyas : Notre constitution de base dépend de l’équilibre de ce que l’on appelle les doshas. Il d’agit de quelque chose de subtil. Il s’agit des cinq éléments de la nature : le feu, l’air, l’eau, la terre et l’éther. Ce sont eux qui déterminent nos énergies et influent tant sur le plan physique que psychologique. Chaque individu à son équilibre propre, certains doshas sont plus forts que d’autres selon les personnes. Quoi qu’il en soit, la santé dépend de l’équilibre de ces doshas. Leur déséquilibre se manifeste toujours par des symptômes.
Quel est le rôle de l’alimentation dans le maintien ou le rétablissement de cet équilibre ?
Falguni Vyas : Le système digestif est la base même de la santé. Il y a un précepte ayurvédique qui dit que “si vous êtes malade et que vous suivez une diète, vous n’aurez pas besoin de médicaments. Et si vous ne suivez pas de diète, vous n’aurez pas besoin de médicaments non plus, car vous ne guérirez pas.” Ce que l’on mange influe autant sur notre santé physique que psychique, cela influe sur nos émotions. Nous sommes ce que nous mangeons.
Et quels sont les grands principes alimentaires en ayurveda ?
Falguni Vyas : Il faut adapter son alimentation à sa constitution. Ce qui sera bon pour moi ne le sera pas forcément pour vous. Nous sommes tous pareils, mais tous très différents aussi. Mais certains principes sont valables pour tous. L’alimentation doit toujours être fraîche et bio. Il faut éliminer les aliments déjà prêts. Lorsque l’on choisit ses produits, il faut toujours se demander si l’aliment que l’on a devant nous vient de la nature ou sort d’une usine. Parfois les transformations sont nécessaires, mais elles doivent se faire dans notre cuisine. Le repas est une méditation, tout comme sa préparation.
En quoi est-il important de faire des repas des moments de méditation ?
Falguni Vyas : Tout d’abord, il faut bien comprendre que la méditation est une attitude de tous les jours, de tous les instants. Tout ce que l’on fait est méditation. Quand on parle de méditation, les gens s’imaginent des personnes assises en tailleur en train de méditer. La méditation ne se réduit pas à ça. On tombe dans la méditation, de la même façon que l’on tombe amoureux. Les massages par exemple, sont d’importants moments de méditation. Pour ce qui est du repas, il faut savoir que sa qualité dépend et de l’aliment, et de l’état d’esprit de la personne. Les conditions dans lesquelles le repas est préparé et dans lesquelles il se déroule vont influencer notre énergie subtile et la manière dont le corps va accueillir l’aliment. La digestion sera moins bonne si l’on prépare à manger dans la précipitation, le stress ou la colère. L’esprit influe beaucoup sur l’alimentation. Il suffit de regarder une personne lorsqu’elle est amoureuse, elle n’aura pas faim. C’est purement psychologique, il n’y a là aucun problème physique.
Les épices ont une importance particulière dans la cuisine ayurvédique. Quel est leur rôle ?
Falguni Vyas : Ce sont les épices qui amènent l’équilibre entre les aliments. Elles permettent d’harmoniser le plat, même quand les aliments ne vont pas toujours très bien ensemble. Elles permettent également de faciliter la digestion. Toutes les épices présentent des avantages, mais si je ne devais en garder que deux, je recommanderais le curcuma et le gingembre. Prenez le curcuma. Il a une action antiseptique, anti-inflammatoire, antiallergique et antioxydante. Au quotidien, il permet de prévenir de nombreuses maladies. C’est pour ça que les épices sont si importantes dans la cuisine ayurvédique. Il faut prendre soin de sa santé au quotidien, en prévention. Bien sûr les épices peuvent aussi avoir un rôle curatif lorsque la maladie est déjà là. Mais n’est-ce pas mieux de prévenir grâce à un mode de vie sain ?
Pensez-vous que les gens aient suffisamment conscience de cette notion de prévention ?
Falguni Vyas : Non. Il suffit de voir le fonctionnement de votre médecine ici en France. Il s’agit surtout de soigner, rarement de prévenir. L’ayurveda peut soigner, évidemment, mais il sert surtout a atteindre l’équilibre, pour éviter la maladie. Cette notion d’équilibre est au centre de tout. Il faut trouver son propre équilibre mais aussi l’harmonie avec les autres. Des principes qui ont été oubliés dans les sociétés occidentales. Si on y revenait, les gens seraient moins malades. La sécurité sociale ferait sans doute des économies !
Que faudrait-il commencer par changer pour améliorer ça ?
Falguni Vyas : Il faut changer nos priorités. L’ayurveda vise l’accomplissement de soi. Et cela passe par l’amélioration de la force physique et mentale, la béatitude, l’amour, la santé et la connaissance de soi. Dans notre société, l’accomplissement est surtout professionnel, matériel. Tout va trop vite. Au quotidien on marche vite, on mange vite, on parle vite. On fait tout à toute vitesse, sans prendre le temps de respirer. Mais c’est quelque chose qui est entré dans nos habitudes, sans même qu’on y soit obligé. C’est pour ça par exemple qu’il y a autant de burn out. On serait en bien meilleure santé si on prenait le temps de ralentir, et de repenser un peu son mode de vie.
Interview réalisée par : Manon Laplace
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