En 2012, l’équipe Séralini publie dans une grande revue scientifique – « Food and Chemical Toxicology » – une étude sur l’herbicide Roundup ainsi que sur le maïs OGM NK603 qui le tolère, tous deux des produits de la firme Monsanto. Menée sur des rats pendant deux ans, cette étude démontre les dangers d’une consommation de maïs OGM dans le temps, ainsi que du Roundup. Les photos de rats atteints de tumeurs énormes, affichées en une des journaux, font le tour du monde et provoquent un tollé. Monsanto et les agences sanitaires qui avaient autorisé la mise sur le marché de ces produits réagissent vivement et critiquent l’étude. Le gouvernement de l’époque tente néanmoins de montrer qu’il prend en compte les inquiétudes de la population suscitées par l’étude qui montrait, outre des tumeurs, des pathologies rénales, hépatiques et hormonales, et propose de lancer des discussions sur le sujet et une nouvelle étude, encadrée cette fois par l’Etat. En 2013, l’étude est retirée de la publication à la suite de l’entrée d’un ancien membre de Monsanto dans l’équipe de la revue.
En juin 2014, le CRIIGEN republie son étude et propose une conférence de presse qui ne sera que mollement suivie par les médias.
IPSN : Deux ans après la publication de votre première étude, vous l’avez republiée en juin 2014. Pourquoi ?
Nous voulions montrer à la communauté scientifique et au grand public que notre étude reposait sur des données solides. Nous souhaitions sortir du débat passionné que notre première publication a suscité. Par ailleurs, nous avons republié dans une revue « open source », en mettant à disposition de tous les citoyens du monde les données biologiques de l’étude. Il faut savoir que les données biologiques de toutes les études réalisées avant la mise sur le marché de produits chimiques ou d’OGM sont considérées comme « secret industriel », et donc jamais libres d’accès. Ce point est fondamental car ainsi il ne peut jamais y avoir de débats contradictoires. Nous avons donc, par cette republication, montré aux agences le chemin à suivre pour assurer la plus grande transparence, car il en va de la santé de la population mondiale et aussi des écosystèmes dont nous dépendons !
Les photos des rats avec leurs grosses tumeurs ont marqué les médias et les esprits. Aviez-vous prévu cette surprise ? Vous ne pensiez pas que ces photos produiraient un tel effet ?
À l’époque, nous avions été surpris de l’impact de la publication des photos de rats atteints de tumeurs publiées par le Nouvel Observateur (L’Obs aujourd’hui). Malheureusement, les tumeurs des rats, c’est presque notre quotidien puisque nous testons sur eux des produits dangereux.
Dans le fond, ce qui me choque le plus c’est que l’on s’étonne de ces tumeurs et autres pathologies alors que ces produits ne sont pas évalués correctement. En effet, nous avons mis en évidence qu’aucun pesticide au monde n’a été évalué de façon à protéger la population. Un pesticide, c’est en fait une molécule dite active (dans le cas du Roundup, c’est le glyphosate) et des adjuvants1. Pendant deux ans, on teste le glyphosate sur des rats. En revanche, les adjuvants et le mélange adjuvants + glysophate n’est testé que quelques jours sur la peau. Ces tests ne sont guère utiles puisqu’on n’effectue aucune prise de sang pour en savoir les conséquences sur les cobayes.
Ce que vous me dites est inquiétant. Quels sont donc actuellement, selon vous, les indicateurs de santé ?
Ils sont au rouge, depuis 50 ans le développement des pathologies chroniques est catastrophique.
Voyez donc : pertes de plus de 50 % des spermatozoïdes chez l’homme, augmentation des stérilités, hypofécondités, malformations néonatales, allergies, maladies neurodégénératives comme l’Alzheimer, doublement des cancers et apparition de très nombreuses maladies orphelines…
Ces pathologies environnementales sont apparues progressivement depuis un siècle, parallèlement au développement de la chimie et l’essor industriel. La révolution verte des années 70 a transformé l’agriculture paysanne en agriculture industrielle utilisant force engrais et pesticides. Nous retrouvons ces produits dans notre alimentation. Nos fruits, par exemple, contiennent 3 à 10 résidus de pesticides. C’est du reste ce qui m’a poussé à me lancer dans les questions de santé et d’environnement. J’en avais marre de voir devant moi des malades qui n’auraient pas dû l’être. Avant de devenir médecin, j’ai passé un diplôme de technicien agricole. Je connais donc très bien les traitements subis par les écosystèmes, les animaux etc. Le lien entre l’essor de pathologies diverses, dont les cancers, et notre manière de cultiver la terre ou d’élever les animaux ne fait aucun doute. On le voit sur le terrain. Quand va-t-on réellement commencer à évaluer les produits que nous utilisons en agriculture et dans l’industrie afin d’assurer une alimentation riche et saine, et des milieux de vie favorables à un maintien en bonne santé ?
Le CRIIGEN s’est retiré de l’instance de dialogue créée dans le cadre du projet gouvernemental Risk’OGM. Pourquoi ? Pensez-vous avoir conservé une influence sur l’institution malgré votre départ ?
Au début, nous étions partants pour participer à ce projet. Le ministère de l’Environnement et de l’Ecologie, ainsi que l’ANSES avaient décidé de lancer une étude sur les risques toxicologiques d’un OGM. Nous avons été conviés à participer et nous avons envoyé l’un de nos doctorants, Nicolas Defarge. J’ai été un peu surpris que le projet soit de refaire exactement notre étude sans l’élargir à de nombreux autres OGM et pesticides. En effet, il existe une quarantaine d’OGM commercialisés dans le monde, nous aurions pu profiter de ce projet pour étudier un soja par exemple.
Mais là n’était pas l’essentiel. J’ai été plus inquiet de voir que seuls l’INRA, l’INSERM et l’ANSES avaient répondu à l’offre du ministère pour faire l’étude. Quand on connaît leur hostilité à nos recherches, on pouvait se poser la question de leur capacité d’objectivité sur la question. Puis d’autres acteurs se sont greffés au projet : Monsanto (par le biais d’une association, Europabio, financée par l’industrie agroalimentaire et pharmaceutique) et les autres semenciers : Bayer, Cropscience et Limagrain notamment. Nous ne pouvions pas cautionner ces conflits d’intérêt qui nous replongeaient dans la situation classique : les fabricants évaluent eux-mêmes leurs produits et font du lobbying auprès des agences d’accréditation. Où sont l’indépendance et la transparence ? Qui protège le consommateur ?
Avons-nous gardé une influence ? Non. Mais à partir du moment où l’ensemble de l’industrie était représenté et que le reste de la société civile ne l’était pas, nous n’avions aucune chance d’influencer quoi que ce soit.
Par ailleurs, ce qui a conforté notre volonté de départ de cette instance c’est que, rapidement, il a comme par hasard été proposé de réduire la durée de l’étude. Le projet de deux ans est devenu un projet de trois mois, que l’on pouvait prolonger éventuellement jusqu’à six ; ce que nous reprochons depuis plus de quinze ans, c’est que les textes réglementaires ne durent que trois mois, ce qui est insuffisant pour mettre en évidence les pathologies chroniques. Par ailleurs, le maïs seul sera étudié sans le pesticide – le Roundup pour lequel il est rendu tolérant –, ce qui change tout !
En quoi l’évaluation de la seule molécule active est-elle un problème ?
En 2013, nous avons étudié 9 différents Roundup et montré que les adjuvants sont plus toxiques que le glyphosate, seule molécule à être testée pendant deux ans sur des rats. En 2014, nous avons étudié 9 pesticides, 3 herbicides, 3 fongicides et 3 insecticides, et montré que les formulations totales vendues aux agriculteurs ou aux particuliers sont de 2 à 10 000 fois plus toxiques sur des cellules humaines que les molécules dites actives, seules testées avant la mise sur le marché.
C’est un véritable scandale sanitaire qui devrait mettre des millions de gens dans la rue pour manifester. En Inde, des paysans se suicident au Roundup, en Amérique Latine, partout où l’on a développé la culture OGM et l’utilisation forcenée de pesticides, on a vu le taux de maladies chroniques augmenter chez les agriculteurs de ces pays et les populations avoisinantes. Qui se soucie de leur détresse ?
Au drame sanitaire s’ajoute en outre une perte inquiétante de liberté. Car les grandes compagnies vendent des semences qui ne peuvent fonctionner qu’avec les pesticides qu’elles fabriquent.
C’est un système fait pour et par ces industries qui vendent une semence plus chère que son prix habituel (biotechnologie oblige) et sont seules autorisées à racheter la récolte. Le paysan ne garde rien et ne plante plus ses propres semences. Que reste-t-il de sa liberté ?
On parle aujourd’hui de l’arrivée d’une deuxième génération d’OGM. De quoi s’agit-il ?
La vérité, c’est qu’il n’y a rien de nouveau. On nous présente comme des « OGM nouveaux » des OGM qui ont plusieurs « gènes d’intérêt ». Cela veut dire qu’ils peuvent fabriquer plusieurs insecticides ou tolérer plusieurs herbicides. Mais ce type d’OGM existe depuis longtemps.
Par exemple, le maïs Smartstax possède 8 gènes d’intérêt : 2 de tolérance à des herbicides et 6 de production d’insecticides différents. Quels sont les impacts en termes de santé pour les animaux ou les populations qui mangent ce maïs ? Personne ne le sait ni veut le savoir !
Pourquoi a-t-on introduit ces OGM ?
C’est pour satisfaire le « dieu Progrès ». Le développement des connaissances en génétique en un siècle a fait des progrès extraordinaire. Nous savons désormais modifier des patrimoines génétiques. Dans le domaine médical, la thérapie génique nous donne l’espoir de traiter des pathologies graves. Mais modifier des plantes pour qu’elles produisent ou tolèrent des pesticides, cela n’a pas de sens car contrairement à ce que disent les producteurs, cela ne diminue en rien la quantité totale de pesticides répandus sur la planète !
En effet, ce qui devait arriver arriva. L’utilisation de plantes insecticides a permis l’émergence d’insectes résistants, c’est pour cela que les nouveaux OGM comme le Smartstax possèdent plusieurs gènes pour la production de plusieurs insecticides différents. En ce qui concerne les herbicides comme le Roundup, les agriculteurs d’Amérique du Sud et du Nord sont envahis par des amarantes qui étaient spontanément tolérantes au Roundup et qui se sont développées de façon exponentielle du fait de la mort de celles qui y étaient sensibles. Bilan de l’affaire, on rajoute de nouveaux herbicides… Aujourd’hui, certaines plantes résistent au Roundup et au Dicamba, nouvel herbicide de chez Monsanto. Nous nous sommes engagés dans une course aux armements contre la nature que nous sommes sûrs de perdre. Pendant ce temps, les animaux et la population mondiale ingèrent de plus en plus de pesticides. Quand le comprendra-t-on ?
« Le progrès et la catastrophe sont l’avers et le revers d’une même médaille. » Hanna Arendt.
On essaye de nous faire croire que les nouvelles générations d’OGM pourraient répondre à tous nos fantasmes. Mais nous en sommes loin ! On nous dit par exemple que, grâce aux OGM, nous pourrions développer des cultures résistantes à la sécheresse ou à la salinité. Mais ces adaptations sont certainement sous la dépendance de centaines de gênes ! Avant d’y parvenir il faudra des décennies, et personne ne sait quels dégâts sur l’environnement et la santé nous aurons causés d’ici là en jouant les apprentis sorciers.
Tout est donc mauvais dans les OGM ?
Non, ce serait une erreur de dire cela. Je vais vous donner deux exemples : pour soigner les patients diabétiques, nous utilisons tous une insuline produite grâce au génie génétique. En effet, depuis plus de 20 ans, l’insuline humaine est produite par des bactéries OGM dans lesquelles a été inséré le gène humain de fabrication de l’insuline. Ces bactéries sont élevées en laboratoire dans des incubateurs.
On sait ensuite extraire l’insuline produite par ces bactéries et l’utiliser pour les patients diabétiques qui reçoivent des injections quotidiennes d’insuline strictement identique à ce que fait notre pancréas. C’est un grand progrès parce que, auparavant, on utilisait de l’insuline de porc que les patients finissaient par ne plus tolérer, et mourraient. C’est un exemple manifeste de l’utilité du génie génétique, réalisé dans des conditions sanitaires et de sécurité optimales.
De même, quand sur des boîtes de médicaments vous voyez écrit « protéines recombinantes », ce sont des protéines-médicament produites par le génie génétique.
Il faut bien comprendre que le CRIIGEN et ses membres ne sont pas contre les OGM en eux-mêmes, mais seulement contre le mauvais usage que l’on peut en faire et aussi contre la façon si « légère et inappropriée » avec laquelle ils sont évalués.
Le pire dans cette histoire est que, à côté des OGM, se développent des plantes mutées. Ces plantes génétiquement modifiées par des produits chimiques ou par des rayonnements ionisants ne rentrent pas dans la législation des OGM et sont cultivées sans études toxicologiques et en toute légalité, même en France. C’est ainsi qu’en France poussent en toute légalité des tournesols mutés tolérants à un herbicide, le sulfonylurée, dont aujourd’hui personne ne sait quelles conséquences ils pourront avoir sur l’environnement et la santé. Mais on sait déjà que ces plantes gorgées d’herbicides se retrouvent dans des tourteaux et produits destinés à l’alimentation animale, voire humaine. Bon appétit !
Que faire face à toutes ces menaces ? On a l’impression que le contre-lobbying citoyen ne fait pas toujours le poids face aux pouvoir des industriels et l’aveuglement des responsables politiques ?
Dans le fond, le vrai problème est notre vision réductionniste de la santé. Nous avons une politique du soin et non de la santé. Il faudrait intégrer l’agriculture, ce que l’on appelle la santé et qui n’est que le soin, la protection sociale et l’économie dans un même ministère ! Car c’est notre environnement global qui peut améliorer ou diminuer l’état sanitaire des populations.
La notion d’environnement n’a de sens donc que si on la comprend de manière large : il faut considérer l’environnement biologique, chimique (les xénobiotiques), physique (nanoparticules, rayonnements électromagnétiques, ionisants…) et socio-anthropologique.
Au début du XXe siècle, grâce à Pasteur et à quelques-uns de ses prédécesseurs, l’hygiène bactérienne a vu le jour et a permis de très grands progrès en médecine, tout au moins en occident. Le XXIe siècle doit devenir le siècle de l’hygiène chimique si nous voulons ne pas voir diminuer de façon importante notre longévité ainsi que notre survie en bonne santé. Sachez que déjà notre survie en bonne santé est d’environ 60 ans pour les hommes et 63 ans pour les femmes !
En ce qui concerne le lobbying, je n’y vois que trois solutions : la transparence totale des agences sanitaires et d’accréditation, et la transparence des études toxicologiques ayant permis ou permettant la mise sur le marché de tous les produits. Ainsi, la population pourra choisir en toute connaissance de cause ce qu’elle achète. « Un produit qui ne se vend pas ne reste pas longtemps sur le marché ». La modification de l’évaluation toxicologique de tous les produits chimiques mis sur le marché, et par conséquent la réévaluation des normes toxicologiques qui, si elles avaient été efficaces depuis plus de cinquante ans, n’auraient pas permis le développement des pathologies chroniques dont nous avons parlé plus haut !
Cela dit il existe de plus en plus d’associations qui font du contre lobbying et qui viennent de la société publique, comme l’IPSN ou Bioconsommacteurs. On peut citer également Génération Future et Science citoyenne.
Les choix politiques et économiques ne sont pas indifférents !
Regardez ce qui est en train de se passer au niveau médical et en particulier dans le projet de loi de santé à venir. Le cas du tiers payant, par exemple, et le futur transfert de la gestion des dossiers des patients aux mutuelles. Par ce procédé on fait coup double : on déresponsabilise les gens et on donne tout pouvoir aux mutuelles.
Le raisonnement est simple : la sécurité sociale se désengagera progressivement des petites pathologies et ne s’occupera que des pathologies lourdes, les mutuelles des maux du quotidien. Demain, votre mutuelle choisira pour vous votre médecin. Malgré toutes ses bonnes intentions, qui vous dit qu’elle penchera pour le médecin qui vous convient plutôt que celui qui lui fera faire des économies ? C’est ce qui se passe actuellement pour vos voitures que votre assureur vous impose de faire réparer chez un de ses garagistes agréés plutôt que le garagiste de votre quartier ou celui que vous connaissez !
En attendant, une chape de plomb est mise sur les médecins qui, en plus de leur métier de soin, sont pressurés par des charges administratives lourdes et des recommandations médicales de plus en plus strictes, et surveillés de très près par la sécurité sociale…
Le cas des génériques est emblématique. En effet, la différence entre un médicament princeps et son générique peut être importante : la molécule dite « active » est identique, mais l’adjuvant ou les produits de formulation peuvent être différents ainsi que le procédé de fabrication, ce qui peut avoir des conséquences très importantes. Mais aucun prescripteur ne sait ce qui a changé ! En clair, on autorise la molécule active sur le marché mais on ne s’occupe pas de sa formulation globale… Cela vous rappelle quelque chose ? C’est la même astuce que pour les pesticides, par exemple, et le même manque de transparence.
L’industrie s’adapte et les Etats aussi, très bientôt nous serons obligés de prescrire en DCI (Dénomination commune internationale). Cela veut dire que nous ne prescrirons qu’en nommant la molécule dite « active ». Il sera donc fait fi des différents adjuvants et produits de formulation ainsi que des procédés de fabrication qui ne sont jamais testés ! Comment voulez-vous que cela donne envie à nos jeunes confrères de s’installer en médecine de ville ?
L’avenir appartient à la santé naturelle ?
La santé naturelle commence par la possibilité de se nourrir sainement. Il faut faire comme nos arrière grands-parents : se nourrir bio ! La deuxième condition est de pouvoir vivre dans des environnements les plus sains possible. Cela nous demande des efforts mais aussi implique que nous réclamions à nos responsables politiques de faire vivre la définition de la santé environnementale proposée par l’OMS à la conférence d’Helsinki en 1994, qui dit : la santé environnementale comprend les aspects de la santé humaine, y compris la qualité de la vie, qui sont déterminés par les facteurs physiques, chimiques, biologiques, sociaux, psychosociaux et esthétiques de notre environnement. Elle concerne également la politique et les pratiques de gestion, de résorption, de contrôle et de prévention des facteurs environnementaux susceptibles d’affecter la santé des générations actuelles et futures.
Et d’appliquer la Charte de l’Environnement promulguée le 28 février 2005 sous forme de loi constitutionnelle, laquelle énonce dans son article premier que « chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et favorable à sa santé ». Elle fonde l’ensemble des politiques environnementales et la jurisprudence française dans ce domaine.
La deuxième question est de savoir comment se faire soigner lorsque nous sommes malades. Les médecines dites alternatives ou complémentaires ont été reléguées au chapitre effet placebo ou, au pire, charlatanisme, alors qu’elles proviennent pour la plupart de notre héritage culturel (phytothérapie, homéopathie, ostéopathie, médecine chinoise). La question n’est pas d’opposer la médecine basée sur l’allopathie uniquement et les autres thérapeutiques mais plutôt de sortir d’une vision une fois de plus réductionniste, laquelle exclut toute autre médecine. Un sculpteur sur bois utilise-t-il une seule gouge pour une sculpture ou bien n’adapte-t-il pas ses outils au motif qu’il veut produire ?
Le troisième aspect est l’accès aux médecines ou thérapeutiques alternatives. Force est de constater que l’accès n’y est pas libre. Seuls des patients absolument convaincus par nos médecines qui pratiquent pour la plupart le soin et la prévention (acupuncture, homéopathie, ostéopathie etc.) acceptent de payer pour des traitements qui – bien que moins chers que les traitements allopathiques – leur coûtent bien davantage pour la simple raison qu’ils ne sont pas ou peu remboursés. Tant qu’il n’y aura pas d’accès direct aux médecines naturelles, il sera difficile de les développer. Mais pour cela, il faudrait qu’elles soient enseignées dans le cursus de formation médicale.
Tous ces changements ne seront possibles que si la population se mobilise pour elle-même et pour les générations futures.
Depuis la révolution industrielle du début du XIXe siècle, la pensée technoscientifique exclusive nous a conduits devant un mur. En effet, la pensée technoscientifique ignore bien souvent les êtres, les gens et les cultures… La réalité humaine, c’est le réalisme trivial mais aussi l’imaginaire, le mythologique, l’affectif. Mais l’économie qui nous dirige est une science trop belle, car elle mathématise la réalité, et par les chiffres on fait disparaître la chair, le sang, les passions, les souffrances, les bonheurs, les cultures… Bref, tout ce qui fait que l’homme à la fois « naturel » et « sur-naturel » s’enracine dans la nature vivante, physique, et qu’il en émerge et s’en distingue par la culture, la pensée et la conscience.
Une grande conversion du regard est donc à effectuer au plus vite !
Source : ISPN