La légende du vortex de déchets du Pacifique nord
Quand on évoque le plastique dans les océans, une image récurrente est celle de la grande île flottante de déchets, souvent appelée vortex de déchets du Pacifique nord. Cette image est cependant fausse et exagérée.
En réalité, il ne s’agit pas d’une île visible remplie de déchets plastiques flottants en surface, mais plutôt d’un vaste tourbillon de plastiques et autres détritus, disséminés sur une large zone de l’océan, s’amenuisant sur les bords. Ce vortex bouge au fil des années et n’a rien de fixe ou d’inhabituellement spectaculaire à l’œil nu. Pourtant, les médias continuent à diffuser des images trompeuses, parfois des photos de décharges terrestres ou de montages Photoshop, pour illustrer ce phénomène.
La raison de ces fausses représentations est simple : le véritable vortex de déchets du Pacifique nord n’est pas suffisamment « impressionnant » en photo. En effet, il est souvent difficile de le distinguer clairement, car il s’agit plus d’une accumulation diffuse que d’une masse solide et visible. Par conséquent, les photos que l’on voit dans les articles de presse ou sur les réseaux sociaux, souvent accompagnées de montagnes ou d’îles en arrière-plan, ne montrent absolument pas la réalité de ce vortex de déchets. Ces images sont en fait prises ailleurs, souvent à proximité des côtes, dans des lieux où les détritus s’accumulent en plus grand nombre.
L’origine réelle du plastique océanique
Contrairement à l’idée reçue selon laquelle ce sont nos déchets quotidiens, comme les sacs plastiques ou les bouteilles, qui composent majoritairement le plastique dans l’océan, la réalité est toute autre. En 2022, une étude a révélé que 75 % à 86 % des macroplastiques (des plastiques de plus de 5 mm) présents dans le vortex de déchets du Pacifique nord proviennent de l’industrie de la pêche. Les filets de pêche abandonnés, les cordages et autres équipements de pêche représentent la majorité des déchets plastiques flottants dans cette région de l’océan.
Cette information met en lumière un malentendu majeur : l’idée que la majorité des déchets plastiques dans les océans proviendraient de nos activités domestiques est fausse. En réalité, c’est l’industrie de la pêche qui contribue massivement à cette pollution, avec des équipements qui sont souvent perdus ou délibérément rejetés dans les océans. Pourtant, la responsabilité de cette pollution est souvent attribuée aux consommateurs, à travers des campagnes médiatiques et environnementales qui insistent sur le recyclage de nos déchets ménagers, alors que cette pollution industrielle reste largement ignorée.
Le débat sur le nettoyage du plastique
La question du nettoyage de ces déchets plastiques est plus complexe qu’il n’y paraît. Certains chercheurs, comme Martin Thiel, estiment que retirer le plastique des océans pourrait avoir des conséquences négatives pour les écosystèmes marins. Une fois dans l’océan, le plastique devient un habitat pour une multitude d’espèces marines. Il est colonisé par des algues, des crustacés et d’autres organismes qui en font leur lieu de vie. Selon certaines études, près de 100 espèces peuvent s’installer sur ces morceaux de plastique. Dès lors, retirer ces plastiques pourrait nuire à ces écosystèmes nouvellement créés.
De plus, des chercheurs ont découvert des microbes capables de décomposer le plastique en CO2, même si cela se fait en très petites quantités. Cependant, la question n’est pas encore totalement résolue. Certains plastiques, en se décomposant, libèrent des substances chimiques toxiques dans l’environnement. Ces toxines peuvent être ingérées par des animaux marins et finir par contaminer l’ensemble de la chaîne alimentaire. Le choix de laisser ou de retirer ces plastiques de l’océan n’est donc pas simple, et il est essentiel de bien comprendre les compromis écologiques avant d’agir.
Microplastiques : une menace grandissante
Les microplastiques sont une autre source de préoccupation croissante dans la lutte contre la pollution plastique. Ces fragments minuscules, souvent invisibles à l’œil nu, proviennent de diverses sources. Pendant longtemps, les vêtements en polyester, qui relâchent des fibres plastiques lors des lavages, ont été identifiés comme un des principaux contributeurs. Cependant, des études récentes ont révélé des sources encore plus surprenantes et significatives de microplastiques.
L’une des découvertes majeures concerne les pneus de voiture. En effet, les pneus en usage s’usent au fil du temps et libèrent des particules microscopiques dans l’environnement. Selon les estimations, un pneu peut perdre entre 10 et 16 % de son poids total au cours de sa durée de vie. Cela équivaut à plusieurs kilogrammes de microplastiques rejetés dans l’air, les sols et, finalement, les océans. En conséquence, les pneus représentent environ 9 % des microplastiques qui finissent dans les océans, un chiffre étonnamment élevé pour une source rarement évoquée.
Une autre source importante de microplastiques est la peinture. Des études ont montré qu’environ 40 % de la peinture utilisée dans le monde finit par être libérée dans l’environnement, et la moitié de cette peinture est constituée de polymères plastiques. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, les sources maritimes, comme les peintures utilisées sur les bateaux, ne sont pas les principales responsables. Ce sont surtout les bâtiments et infrastructures terrestres qui contribuent à la diffusion de ces microplastiques dans la nature. Même si les estimations varient, il est clair que la peinture est une source de microplastiques bien plus importante que ce qui avait été calculé auparavant.
La production de plastique et le recyclage
Le recyclage est souvent présenté comme une solution incontournable au problème de la pollution plastique. Pourtant, les chiffres montrent une tout autre réalité. Aujourd’hui, moins de 10 % des plastiques produits dans le monde sont effectivement recyclés, un chiffre qui n’a guère évolué au cours des dernières décennies. Les efforts pour recycler les plastiques augmentent, mais cela ne suffit pas à compenser la production massive de nouveaux plastiques.
Les plastiques dits rigides et composés d’un seul type de matériau, tels que le PET et le HDPE, ont effectivement une chance d’être recyclés. Toutefois, ils ne représentent que 18 % des plastiques présents dans l’océan. La grande majorité des plastiques ne sont pas recyclables à grande échelle, notamment en raison de la complexité des matériaux utilisés et du manque de viabilité économique pour recycler certains types de plastiques. Par conséquent, le recyclage, bien que nécessaire, est insuffisant pour résoudre la crise actuelle du plastique.
Des entreprises comme Coca-Cola, identifiées comme les plus grands pollueurs plastiques au monde, mettent souvent l’accent sur le recyclage dans leurs stratégies de développement durable. Cependant, ces initiatives ne répondent pas au problème fondamental : la surproduction de plastique. Depuis des décennies, l’industrie sait que le mélange de différents types de plastiques rend leur recyclage impossible. Pourtant, ce modèle de production perdure.
Les efforts internationaux pour réduire le plastique
Face à cette situation, des efforts internationaux sont en cours pour tenter de freiner la production de plastique. En 2022, les États membres des Nations Unies ont adopté une résolution ambitieuse visant à « mettre fin à la pollution plastique ». Cependant, les négociations pour un traité mondial sont lentes, notamment en raison de la résistance de certains pays. Un petit groupe de nations, souvent des états producteurs de pétrole, freinent les discussions sur la réduction de la production de plastique. Ces pays, dont l’économie repose en grande partie sur l’industrie pétrochimique, considèrent le plastique comme un moteur de leur croissance future, en particulier alors que la demande en combustibles fossiles pourrait diminuer à l’avenir.
Les discussions autour de la réduction de la production de plastique ne concernent donc pas seulement la gestion des déchets, mais aussi l’avenir de l’industrie des combustibles fossiles. Tant que la production de plastique ne sera pas limitée, il sera impossible de recycler ou de gérer correctement les déchets plastiques, et les solutions proposées resteront inefficaces.
Source : Business Insider