Perdre du poids, gagner des fesses ou de la poitrine… Certains prennent des médicaments uniquement pour bénéficier de leurs effets secondaires. Une tendance problématique banalisée par les réseaux sociaux

Une enquête menée par 60 Millions de consommateurs dans son numéro de juin 2024 révèle un phénomène inquiétant : l’utilisation croissante de médicaments hors de leur indication principale, notamment pour des raisons esthétiques, encouragée par les réseaux sociaux. Bien que cette pratique semble inoffensive, elle présente des risques considérables pour la santé publique. Cet article explore cette problématique en détaillant les dangers et les conséquences liés à ces détournements.

Quand l’indication initiale est dévoyée

Les analogues du GLP-1, tels que l’Ozempic et le Wegovy, initialement développés pour traiter le diabète de type 2, sont désormais largement utilisés pour perdre du poids. En stimulant la production d’insuline, ces médicaments favorisent la sensation de satiété, permettant ainsi une perte de poids significative, pouvant aller jusqu’à 15 %. Cependant, ces médicaments, qui sont parfois prescrits illégalement ou obtenus via des ordonnances falsifiées, sont aujourd’hui utilisés par des personnes non diabétiques dans un but purement esthétique.

Le phénomène a pris de l’ampleur en 2022, encouragé par les réseaux sociaux où les célébrités vantent leurs effets minceur. Cependant, cette banalisation entraîne un usage détourné, souvent sans la moindre surveillance médicale, augmentant ainsi les risques pour les utilisateurs.

Peu d’informations sur les risques

Malgré la popularité croissante de ces médicaments, les informations concernant les risques liés à leur usage détourné restent insuffisantes. Les effets secondaires rapportés incluent des troubles gastro-intestinaux, des douleurs abdominales, de la fatigue, des palpitations cardiaques, et même des chutes de cheveux. Le professeur Jean-Luc Faillie, pharmacologue au CHU de Montpellier, souligne l’importance de la pharmacovigilance, bien que les données actuelles soient encore limitées en Europe.

Les risques sont d’autant plus préoccupants que ces médicaments peuvent également causer des effets graves tels que la pancréatite aiguë, des troubles hépatiques, et possiblement un cancer de la thyroïde. Aux États-Unis, ces dangers sont clairement stipulés, mais en Europe, les avertissements sont encore trop rares.

Un détournement encouragé par les réseaux sociaux

L’usage détourné de médicaments ne se limite pas aux analogues du GLP-1. Le Périactine, un antihistaminique autrefois prescrit pour des allergies, est devenu une tendance sur TikTok pour ses effets secondaires sur la prise de poids. Cette pratique a entraîné une surveillance accrue de l’ANSM, mettant en garde contre les effets indésirables tels que la somnolence ou la rétention d’eau.

Ce phénomène n’est pas sans conséquences pour les véritables patients. La forte demande, alimentée par l’engouement des réseaux sociaux, a provoqué une pénurie de ces médicaments, pénalisant ainsi les personnes qui en ont réellement besoin pour traiter des maladies chroniques.

Les effets secondaires pour les vrais malades

L’usage détourné de médicaments a des répercussions directes sur les patients diabétiques pour lesquels ces traitements sont essentiels. Paradoxalement, ces médicaments conçus pour aider les malades à perdre du poids peuvent, chez les non-malades, conduire à une prise de poids due à une mauvaise observance du traitement.

De plus, certains traitements pour le diabète de type 1 peuvent aggraver les complications de la maladie, comme l’acidocétose, en raison d’une utilisation inappropriée par des personnes non-diabétiques. Les professionnels de la santé soulignent l’importance de respecter les prescriptions médicales et de ne pas céder à l’effet de mode des médicaments coupe-faim.

Garder du recul sur la prescription

Le Dr Jean-Pierre Thierry, conseiller médical de France Assos Santé, rappelle que chaque prescription doit faire l’objet d’une évaluation rigoureuse du rapport bénéfice/risque. Il insiste sur le fait que les traitements qui favorisent la prise de poids ou présentent des effets secondaires importants ne doivent être prescrits que si leur impact sur la santé du patient est positif et indispensable.

Conclusion

Le détournement de médicaments à des fins esthétiques ou pour des raisons de confort personnel est une pratique dangereuse qui peut entraîner des conséquences graves pour la santé. Il est essentiel de sensibiliser le public aux risques associés et de renforcer les contrôles pour éviter que ces dérives ne mettent en péril la vie des patients qui en dépendent véritablement pour leur santé. Le respect strict des prescriptions médicales et une vigilance accrue des autorités sanitaires sont indispensables pour prévenir ces abus.