Souvent reléguée au statut de méthode agricole bio bobo, la permaculture acquiert peu à peu ses lettres de noblesse.
Une étude réalisée par l’INRA (Institut français de recherche agronomique) en démontre pour la première fois les capacités de production intensive. Leurs chiffres, présentés à Louvain-la-Neuve ce week-end, interpellent : sur un petit terrain de 1000 m2 cultivés, des récoltes maraîchères peuvent rapporter 50.800 € par an, pour 2000 heures de travail. Entrelacs de jardins, omniprésence des arbres, rivière, étangs, faune et flore sauvages, les 20 hectares de la ferme du Bec Hellouin (Haute-Normandie), pionnière en permaculture et modèle pour l’étude de l’INRA, se différencient fortement des grandes propriétés d’agriculture conventionnelle. « Ce n’est pas le végétal mais la santé de la terre que l’on a mise au cœur de nos préoccupations. On a dû recréer du sol et le fertiliser naturellement avec des couverts végétaux permanents. Le rendement est maximal aux zones d’interface terre-eau, c’est pourquoi nous avons creusé des mares et construit des îles en leur centre, lesquelles sont intensément cultivées. Tout se fait à la main, avec l’aide de chevaux de trait, dont le fumier ensemence les cultures », explique Perrine Hervé-Gruyer, permacultrice.
Sous ses airs de jardin d’Éden, 10 ans après sa création, la ferme du Bec Hellouin se révèle être une entreprise résiliente avec un rendement maraîcher en légère hausse année après année. Outre 8 emplois créés, elle se caractérise par une harmonie naturelle avec l’environnement, l’absence de pesticides et d’engrais synthétiques, ainsi qu’un recours minimal aux énergies fossiles.
Serait-ce une solution pour nourrir le monde ? Nicolas Vereecken, Professeur d’agroécologie à l’ULB, est enthousiaste. « Ce n’est pas une recette miracle à appliquer partout, mais une belle source d’inspiration qui ouvre la réflexion sur l’émancipation par rapport aux approches industrielles. On sait désormais que le maraîchage sur petite surface peut être très intensif. L’usage en ville est particulièrement séduisant : des jardins communautaires de moins d’un hectare pourraient alimenter les habitants proches en fruits et légumes via les circuits courts. »
Si on devait dessiner le paysage agricole de demain, les grandes exploitations se mueraient en un réseau très dense de petites fermes, chacune associée à une petite surface cultivée de façon très soignée, exploitant les meilleures associations de variétés possibles. Selon Pablo Sevigne, chercheur indépendant, on verrait des citoyens non issus du monde agricole s’investir davantage dans les champs. Grâce à une interconnexion marquée, les déchets des uns deviendraient les matières premières des autres. De l’économie circulaire appliquée à l’agriculture. Et le Pr. Vereecken de conclure, « La permaculture, c’est un concept très positif pour l’avenir. »
Et pourtant l’agriculture intensive a de tout temps été considérée comme nocive et dégradante pour les sols !