Ressources naturelles : l’humanité vit « à crédit » pour le reste de l’année

Pour 2014, ce « jour de dépassement » est le mardi 19 août. A compter du 20 août et jusqu’à la fin de l’année, l’humanité va vivre en quelque sorte « à crédit » : pour continuer à boire, à manger, à se chauffer, à se déplacer, à produire, nous allons surexploiter le milieu naturel et compromettre sa capacité de régénération, en puisant dans les stocks de ressources naturelles, ceux de poissons par exemple déjà surexploités, et en polluant davantage, notamment en accumulant dans l’atmosphère du CO2, l’un des principaux gaz à effet de serre responsable du réchauffement climatique.

Dette écologique

Cette « dette écologique » ne cesse de s’alourdir. Le « jour de dépassement est de plus en plus précoce. Au milieu des années 1990, il tombait en novembre. En 2000, c’était le 1er octobre.

Encore excédentaire en 1961 avec un quart des ses réserves non consommées, la Terre est devenu déficitaire au début des années 1970. Ce basculement coïncide avec la croissance démographique de la planète et l’avènement de la société de consommation. Aujourd’hui, selon les calculs de Global Footprint Network, les besoins de l’humanité dépassent de 50 % les réserves de ressources renouvelables disponibles. Autrement dit, il faudrait une planète et demie pour produire les ressources écologiques renouvelables nécessaires pour soutenir l’empreinte actuelle de l’humanité.

Biocapacité

Dans le top cinq des pays qui consomment le plus, on trouve la Chine, les Etats-Unis, l’Inde, le Brésil et la Russie. « A eux seuls ils représentent 50 % de l’empreinte écologique mondiale », souligne Diane Simiu, directrice des programmes de conservation de WWF France. Bien que quatrième plus gros consommateur mondial, le Brésil reste « créditeur » : sa biocapacité reste encore supérieure à son empreinte écologique. En revanche, la production en ressources naturelles de la Chine nécessiterait d’être deux fois plus importante pour satisfaire aujourd’hui la demande des Chinois.

Aujourd’hui, 86 % de la population mondiale vit dans des pays qui demandent plus à la nature que ce que leur écosystème peut renouveler. L’empreinte écologique des habitants des pays développés est cinq fois supérieure à celle des pays pauvres. Le Japon aurait besoin de 7 fois plus de ressources  pour satisfaire sa consommation actuelle. La palme du déficit écologique revient aux Emirats Arables Unis : les réserves de ce pays devraient être 12,3 fois plus élevées. Ayant la « chance » d’avoir un nature assez généreuse, la France, quant à elle,  aurait besoin de ressources naturelles 1,6 fois plus importantes.

En situation de déficit écologique,  les pays riches s’en sortent plutôt bien. Car « ils ont les moyens d’exporter leur empreinte écologique en important des denrées alimentaires notamment. En France, un produit sur dix contient de l’huile de palme. Or la production d’huile de palme est à l’origine de la disparition d’un million d’hectares de forêts en Indonésie, déforestation qui favorise l’émission des gaz à effet de serre », illustre Diane Simiu.

Ressources de trois planètes

Selon les calculs de Global Footprint Network, bâtis sur des estimations de consommation énergétique et alimentaire, et de croissance démographique modérées, il faudra en 2050 l’équivalent des ressources écologiques renouvelables de trois planètes pour répondre aux besoins de consommation et absorber la pollution. « Les coûts de ce dépassement planétaire sont non seulement écologiques mais aussi économiques et humains, faisant peser des menaces sur la sécurité alimentaire des pays les plus vulnérables », insiste Diane Simiu.

« Nous pouvons encore prendre des mesures audacieuses et construire un avenir fondé sur une utilisation durable des ressources, ajoute-t-elle. Des solutions existent  qui permet de s’attaquer au problème : passer massivement aux énergies renouvelables, repenser l’urbanisation, la mobilité,  la fiscalité, recycler davantage…. Mais il faut agir dès maintenant. En tant que consommateur, on peut aussi manger moins de viande dont la production dégage 20 à 30 % de plus de gaz à effet de serre que celle de légumes, et sélectionner des produits en s’assurant qu’ils proviennent de sources gérées durablement. »

Laetitia Van Eeckhout – Le Monde

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