Une scientifique a renversé 2 gouttes de mercure organique sur sa main. Voici ce qui est arrivé à son cerveau.

En hommage au Dr. Karen Wetterhahn, PhD, Dartmouth College. Cas publié dans le New England Journal of Medicine en 1998; 338:1672-1676.

Présentation initiale

KW, une femme de 48 ans, se présente aux urgences avec une détérioration progressive de son équilibre, de sa démarche et de sa parole. Elle indique à l’infirmière qu’elle a perdu 7 kg au cours des deux derniers mois et qu’elle a ressenti plusieurs épisodes de nausées et de gênes abdominales.

Professeure de chimie spécialisée dans l’exposition aux métaux toxiques, KW avait une carrière influente à une institution prestigieuse. Il y a environ cinq mois, alors qu’elle transvasait du diméthylmercure liquide, deux gouttes sont tombées sur le dos de sa main gantée. Considérant cet incident comme mineur, elle l’a rapidement oublié après avoir nettoyé son poste de travail conformément aux protocoles.

Dégradation progressive

Dans les semaines qui suivent, KW commence à remarquer qu’elle se cogne souvent contre les murs et manque de provoquer un accident de voiture. Elle demande alors à son mari de la conduire à l’université, pensant qu’elle est peut-être simplement fatiguée.

À l’examen physique, elle présente une dysmétrie des membres supérieurs, une démarche ataxique et une écriture dystaxique, associés à un discours bredouillant, tous signes témoignant d’une possible dégénérescence neurologique causée par l’exposition au mercure.

KW ressent également des picotements dans les doigts, des éclairs de lumière dans les yeux, et un bruit de fond blanc qui commence à masquer son audition normale. Sa démarche devient plus ataxique, son discours plus bredouillant et son champ de vision se rétrécit de plus en plus.

Tests sanguins et répartition du mercure

Un test sanguin révèle des niveaux de mercure dans le sang de KW supérieurs à 4000 microgrammes par litre, soit 4000 fois la limite supérieure normale. Cela indique clairement une toxicité du mercure. Cependant, les symptômes ne disparaissent pas malgré l’arrêt de l’exposition plusieurs mois auparavant, ce qui montre que l’épisode unique d’exposition a été suffisant pour causer cette situation.

Le mercure diméthylique étant lipophile, il s’accumule principalement dans les tissus gras du corps, dont le cerveau, qui est composé à 60% de graisse. Cette caractéristique explique la localisation et les effets persistants du mercure.

Essais de traitement par chélation

Pour tenter d’éliminer le mercure du corps de KW, un traitement par chélation est administré avec du succimer, une molécule capable de piéger le mercure organique pour faciliter son excrétion par les reins. Bien que les niveaux de mercure dans l’urine aient augmenté de manière significative, la situation de KW n’a pas cessé de se détériorer, car le mercure a principalement infiltré ses tissus graisseux, particulièrement son cerveau.

Évolution du tableau neurologique

Trois semaines après son admission, KW devient non réceptive aux stimuli verbaux, visuels et tactiles, avec des réflexes pupillaires lents, et de sporadiques épisodes d’agitation. Du mercure à des niveaux extrêmement élevés est trouvé dans le lobe frontal de son cerveau lors de l’autopsie, causant la perte neuronale extensive et la gliose observée à travers son système nerveux central.

Il est découvert qu’une exposition unique à seulement deux ou trois gouttes de diméthylmercure a suffi pour provoquer une accumulation de 1440 mg de mercure dans son corps, soit près de quatre fois la dose létale, entraînant une atteinte neurologique sévère.

Impact et leçons retenues

Étant donné la carrière et la reconnaissance de KW dans son domaine, son histoire a eu un impact majeur sur les protocoles de sécurité en laboratoire, la manipulation du diméthylmercure exigeant désormais des doubles gants spécifiques pour une protection optimale.

Pour KW, sa science et son histoire transcendent le temps, laissant un héritage de vigilance et de sécurité dans les pratiques scientifiques mondiales.

Sources :